Trois ans après avoir célébré Carl Larsson, le Petit Palais consacre jusqu’au 17 décembre une rétrospective à l’autre figure majeure de l’histoire de la peinture suédoise, Anders Zorn (1860-1920). L’occasion de découvrir l’œuvre d’un artiste aussi populaire en Scandinavie que méconnu en France.
Il n’avait pas été célébré dans la capitale depuis 1906 ! Bien mal nous en a pris, le Petit Palais offre en cette période ses cimaises au grand artiste suédois Anders Zorn. A travers près de cent cinquante œuvres, l’exposition Anders Zorn, le maître de la peinture suédoise présente un magnifique aperçu de cette figure centrale de la peinture scandinave du tournant du XIXe et du XXe siècle. Entre huiles sur toile, aquarelles et gravures, la virtuosité d’Anders Zorn s’affiche, et ce pour notre plus grand plaisir.
Sa vie est digne des plus beaux romans ; le récit d’un homme né en 1860 à Mora, un petit village rural du centre de la Suède, dans une famille modeste, et qui force de talent connut la gloire et la fortune. Remarqué à l’âge de quinze ans et envoyé à l’Académie royale des arts de Stockholm, Anders Zorn quitte rapidement la Suède pour se forger un style et un nom au gré de rencontres et de séjours aux quatre coins du monde : l’Espagne, puis Londres et Paris, dont les grandes bourgeoisies convoitent les portraits ; la Turquie, l’Italie, la Grèce, l’Afrique du Nord ; jusqu’aux États-Unis, où il jouit d’un accueil triomphal. Anders Zorn n’en oublie pas pour autant ses origines : sous les pinceaux du maître, émergent les paysages et brèves de vie quotidienne de sa région natale, la Dalécarlie, où le peintre terminera paisiblement sa vie.
Des forêts et lacs suédois jusqu’au port d’Alger, en passant par les appartements parisiens feutrés et le Grand Canal de Venise, Anders Zorn déploie ses talents de peintre, d’aquarelliste, de graveur, avec la même virtuosité. Un réalisme aussi déroutant que magistral, tel est le sentiment qui émane de ses peintures et aquarelles dépeignant des scènes de genre, comme prises sur le vif, et une nature délicate. Qui mieux qu’Anders Zorn en effet sait représenter avec une telle précision et acuité l’eau jusque dans ses moindres ondes et vibrations ? Le maître suédois excelle à « mettre – selon ses propres dire – les vagues et les clapotis en perspective », se grisant d’ « expliquer tout cela scientifiquement avec une minutie incisive ». Dans Vacances d’été, chef-d’œuvre réalisé en 1886, ou Le port d’Alger daté de 1887, les personnages en présence semblent ainsi n’être que des faire-valoir, prétexte à souligner encore davantage la beauté hypnotique de l’élément liquide.
Ces sujets, cependant, prennent toute leur importance dans la série des nus et baigneuses : sous une palette toujours restreinte oscillant entre les noirs, les gris, les blancs, les ocres et ponctuellement des touches plus vives, les corps se découvrent, sublimes et sensuels. À l’instar de la Femme nue se séchant peint en 1894, l’accent est beaucoup moins porté sur le lieu et sur l’atmosphère – en l’occurrence une simple pièce de vie, semble dire la table et les chaises esquissées en arrière-plan – que sur le corps nu de la femme en avant. Debout sur des jambes athlétiques, une serviette blanche dans la main droite, elle fait glisser le linge immaculé dans le creux de son aisselle gauche jusqu’à frôler son sein. Là encore, la magie du réalisme impulsé par Anders Zorn opère ; le soin apporté à la représentation des formes, des courbes, de la chair palpable, du mouvement pris dans l’instant, subjugue.
Forte des plus belles pièces du musée Zorn à Mora et du Nationalmuseum de Stockholm – tous deux partenaires de l’exposition – et d’une magnifique scénographie rappelant les vies multiples et le parcours cosmopolite de l’artiste, l’exposition Anders Zorn, le maître de la peinture suédoise marque sans aucun doute le retour en grâce en France de ce « bijou national » suédois.
Texte : Léa Houtteville
Crédit visuel : Anders Zorn, Vacances d’été, 1886, aquarelle sur papier ©Collection particulière / photo Hans Thorwid