Du 21 novembre au 2 décembre, la Galerie du Crous de Paris présente l’exposition Matière chantée de l’artiste Tanguy Roussel ; un travail d’une maturité étonnante, réflexion artistique et sonore sur le temps qui passe.
En 1797, Haydn ouvre son oratorio La Création avec le prélude nommé La représentation du Chaos, caractérisé par l’absence de cadences à la fin des phrases musicales. Il précise que s’il a « évité les résolutions auxquelles on s’attend le plus, c’est que rien n’a encore pris forme ». Deux cent vingt ans plus tard, Tanguy Roussel s’approprie lui aussi cet espace infini de l’univers n’ayant « pas encore pris forme », non avec un chœur et un orchestre, mais au 11 rue des Beaux-Arts, au sein de la Galerie du Crous de Paris. La création à laquelle nous assistons n’est pas d’essence divine, mais plutôt musicale.
Ce jeune artiste s’inscrit dans la longue tradition de dialogue entre les arts plastiques et la musique, initiée en 1913 par l’artiste futuriste Luigi Russolo et son manifeste L’art des bruits. Souvent considéré comme le père de la musique bruitiste, Russolo explore dans cet essai l’utilisation possible des bruits créés par l’homme dans la musique. Depuis, le son a été utilisé par de nombreuses écoles artistiques comme médium, du surréalisme au mouvement Fluxus.
Entre philosophie et esthétique, le travail de Tanguy Roussel s’appuie sur la doctrine atomiste du philosophe grec Épicure, et la notion du clinamen : dans leur chute mécanique causée par la pesanteur, les atomes peuvent dévier de manière aléatoire et s’entrechoquer. Cette rencontre imprévisible témoigne d’une certaine liberté dans la création.
Comment matérialiser l’expérience de la durée et du temps d’un espace traversé ? Comment simuler l’imprévisibilité des rencontres, des jeux et des frottements de l’air et de la matière ? Telles sont les questions métaphysiques que Tanguy Roussel tente de résoudre à travers son œuvre.
Sa démarche est d’explorer l’ouïe, et non la vue, au gré d’un parcours sonore. L’artiste a enregistré différents sons provenant d’un assemblage hétéroclite de matériaux pauvres, telles des boîtes de conserve ou des tiges métalliques. En associant un travail de composition déterminé et une part d’aléatoire, ces sons se croisent et s’unissent dans un grand résonateur blanc. La scénographie est minimaliste, car Tanguy Roussel recréé dans une démarche esthétique les prémices d’une création, son origine : la naissance des sons. Nous, voyageurs au sein de cette expérience originelle, identifions le chemin des vibrations par la reconnaissance de phénomènes de répétitions, comme une invitation à pénétrer la création musicale.
Vernissage le jeudi 23 novembre de 18h à 21h.
Texte : Alix Meynadier
Crédit visuel : Tanguy Roussel ©2017 Galerie du Crous