Les œuvres de Ella C Bernard, Cécile Bouffard, Omar Castillo Alfaro, Caroline Rose Curdy, Pierre Dumaire, Laura Huertas Millán, Liz Magor, Rafael Moreno, Nicole, Hatice Pinarbaşi, et Jean-Charles de Quillacq composent une galaxie de sensibilités et de souvenirs ré-inventés à la galerie Marcelle Alix, avec l’exposition El fantasma deTennessee, pensée par la curatrice Ana Mendoza Aldana.
///Astrid Vialaron
Qu’est-ce essentiellement que la mélancolie ? Que place-t-on sous ce terme ?
Est-ce l’accumulation de souvenirs aux charges affectives diverses ? Des tentatives immatérielles de retenir des instants qui n’existent plus ? Des cœurs brisés, reconstruits ? Le chagrin diffus ressenti à l’écoute d’un morceau presque oublié, lié à des moments enfouis ?
Déracinement, environnements hostiles, inégalités raciales ou de genre… autant d’expériences qui font de la mélancolie une compagne intime et fidèle pour celles et ceux qui les vivent. Comment ne pas idéaliser le passé, le sublimer, quand le présent semble décevant ou injuste ?
Cécile Bouffard, Suddenly crocodile tears (3), 2025 wood, plaster, crayon, metal and textile, 28 x 26 x 6 cm unique Exhibition view ‘El fantasma de Tennessee’, 2025. Marcelle Alix, Paris. Photo: Aurélien Mole
Les œuvres exposées traduisent cette introspection : elles donnent à voir ce qui habite les esprits de leurs auteurs.
Dès l’entrée dans la galerie, l’œuvre debt, doubt_1 de Rafael Moreno capte notre attention. Il s’agit d’un paravent orné d’une image en noir et blanc, rappelant ces décorations de chambres d’ados — à l’effigie de New York ou Londres — populaires il y a quelques années, mais aujourd’hui un peu démodées. Posée dessus, une tête de mannequin menaçante aux cotés d’un faux pistolet. Le temps qui passe imprègne ces objets, mais l’œuvre va plus loin : elle nous parle de dette et de doute à travers un texte accroché à un pantalon rose fuchsia, usé, délavé, presque abandonné. Ce texte, touchant et personnel, résonne comme une confession intime :
“She had grown so consumed into feeling her interactions were conditioned by what was expected from her in each of them, that she started feeling in debt with herself.”
Rafael Moreno debt, doubt_1, 2025 mixed media variables dimension unique Exhibition view ‘El fantasma de Tennessee’, 2025. Marcelle Alix, Paris. Photo: Aurélien Mole
D’autres œuvres évoquent une mélancolie douce-amère, nourrie de souvenirs et de sensations ambigües. C’est le cas de Sailor Moon :O (2025) et Sailor Moon T_T (2025), réalisées par Omar Castillo Alfaro. Ces tableaux représentent Sailor Moon, icône emblématique de la pop culture et héroïne d’une célèbre franchise japonaise, connue pour combattre le mal au nom de l’amour et de la justice. Mais ici, l’image de la guerrière est transformée. Son visage est composé de plumes naturelles colorées, apportant une dimension fragile, presque éphémère à cette figure familière. Les œuvres sont par ailleurs traversées de tiges métalliques courbées, dont la froideur et la rigidité contrastent avec la douceur des plumes — symbolisant ces pensées mélancoliques qui s’imposent malgré nous, entre tendresse et douleur.
Omar Castillo Alfaro Sailor Moon T_T, 2025 natural bird feathers and cotton paper on wood 30 x 40 x 2,5 cm unique Exhibition view ‘El fantasma de Tennessee’, 2025. Marcelle Alix, Paris. Photo: Aurélien Mole
La mélancolie, telle que explorée dans ces œuvres, apparaît comme une émotion à la fois personnelle et collective. Elle est mémoire, perte, mais aussi survie : une manière de revisiter le passé pour mieux comprendre le présent.