Les Amis du musée se sont vus adjuger pour 4 200 € une sanguine représentant une vue topographique du parc et du château de Marly, dominés par la silhouette du village, œuvre qu’ils ont donnée au musée pour enrichir les collections.
À l’inverse de Versailles, Louis XIV n’a fait aucune commande pour représenter l’architecture et les jardins de Marly, sa résidence champêtre. Les représentations peintes et dessinées de Marly sont rares tandis que les estampes sont nombreuses.
Le musée conserve quelques dessins anciens des XVIIe et XVIIIe siècles : de Charles Le Brun, Jacques Rigaud ou Jean- Baptiste Oudry.
Cette œuvre enrichit donc le fonds graphique et nourrit les représentations des jardins de Marly.
L’originalité de ce dessin réside dans le choix d’une vue désaxée, alors que les représentations privilégient souvent des vues soulignant la symétrie des jardins.
Ce point de vue reflète la déclivité du terrain propice aux effets d’eau.
Cette vue du bas des jardins, à savoir la partie nord, se caractérise par une succession de bassins animés de jets d’eau. Elle offre de précieux détails sur les berceaux de verdure, les topiaires, les emmarchements des bassins.
La vue rassemble des éléments significatifs de Marly :
- – Son architecture éclatée puisque l’on distingue trois des pavillons destinés aux invités reliés entre eux par des berceaux de treillage. On y décèle le décor en trompe- l’oeil des façades des pavillons, imaginé par Jules Hardouin-Mansart.
- – Une statue emblématique : Mercure chevauchant Pégase. Cette sculpture appartient au premier groupe des Chevaux de Marly commandé à Coysevox et installé sur l’Abreuvoir en 1702. Ce groupe de La Renommée du Roi se compose de Mercure et de la figure de La Renommée, montant elle aussi un cheval ailé.
- – L’abondance d’eau qui se traduit par des étendues d’eaux calmes animées par de gigantesques jets rendus possibles grâce à la machine de Marly.
Au tournant du XVIIIe siècle, Louis XIV procède à de grands aménagements dans les jardins.
Ainsi, le Grand Miroir, situé à gauche sur le dessin est animé de cinq lances. En 1702, le roi n’en conserve qu’une seule.
Au centre du dessin, le bassin des Nappes est identifiable par son escalier d’eau chantourné. Or, en 1700, les hautes lances en sont supprimées puis l’escalier modifié en 1702.
Ainsi, cette œuvre fait coexister différents éléments qui se succèdent dans le temps. L’élégance et l’harmonie de la composition ont probablement guidé le choix de l’auteur de conserver des éléments disparus.
Enfin, à l’arrière-plan, se dessine le village de Marly. Celui-ci est bien préexistant à l’aménagement du vallon en demeure royale : le village médiéval se modernise avec l’arrivée d’officiers royaux, la veille église paroissiale est détruite et remplacée par l’église Saint-Vigor construite sur les plans de Jules Hardouin-Mansart. Le clocher effilé de l’église domine la composition.
Jean-Baptiste Martin, appelé aussi Martin des Batailles, travaille au décor de Marly en tant que collaborateur du peintre Frans Van der Meulen (1632-1690). Ce dernier livre pour le pavillon royal Les Conquêtes du Roi, une série de toiles représentant les victoires de Louis XIV dont certaines sont exposées au musée. Ces vues sont de fidèles restitutions topographiques puisqu’elles ont été étudiées sur le terrain même des manœuvres militaires.
À la mort de Van der Meulen, Jean-Baptiste Martin termine ses tableaux restés inachevés. Une autre peinture attribuée à Jean-Baptiste Martin représente Marly Une chasse au faucon à Marly, conservée dans les collections de la reine d’Angleterre.
La sanguine représente un morceau de la composition du tableau Le Roi revenant de voir les travaux et le camp de Lucienne et s’en retournant à Marly signé Jean-Baptiste Martin et conservé dans une collection particulière et dont des gravures sont conservées à la BNF et au château de Versailles. Ses bords sont lisses, non déchirés : elle pourrait appartenir à un ensemble de feuilles autrefois assemblées en un grand format représentant l’intégralité de la composition du tableau.
Cette hypothèse semble d’autant plus probable qu’une mise au carreau est décelable sur la sanguine ce qui pourrait en faire un dessin préparatoire à la toile. Les peintres avaient souvent recours à ce procédé d’agrandissement et les proportions de ce dessin correspondent à celles de la toile peinte.
La représentation du détail est poussée à un point extrême sur la sanguine si bien qu’il y a peu de précisions supplémentaires sur l’œuvre finale. On peut y voir une volonté de précision naturelle chez le topographe qu’était Jean-Baptiste Martin.