Alice Neel, l’engagement de la toile

Alice Neel, l’engagement de la toile

« En politique et dans la vie, j’ai toujours aimé les perdants, les outsiders. Cette odeur de succès, je ne l’aimais pas. » déclarait l’artiste Alice Neel peu de temps avant sa mort. Du 5 octobre 2022 au 16 janvier 2023, une exposition rétrospective lui rend hommage au Centre Pompidou, mettant en lumière son engagement politique et social porté par son adhésion au parti communiste et à la cause féminine. Conçue de manière chronologique, elle retrace les premières œuvres de la fin des années 1920, jusqu’aux dernières peintures réalisées peu de temps avant sa mort en 1984.

 

/// Lolita Fragneau

 

Peu de rétrospectives sur Alice Neel (1900-1984) ont eu lieues en France, pourtant elle est l’une des figures majeures de l’art Nord-américain. Longtemps ignorée de son vivant, elle est désormais acclamée pour son traitement des personnes en marge de la société américaine en raison de leur genre, orientation sexuelle, origines ou classe sociale. Neel s’est effectivement intéressée tout au long de sa vie aux injustices et aux inégalités de la société, s’élevant en peintre du siècle.

Nazis Murder Jews, 1936 Huile sur toile, 107,3 ×76,2 cm Rennie Collection, Vancouver © The Estate of Alice NeelCourtesy the Estate of Alice Neel, David Zwirner and Victoria Miro.

Grande portraitiste, elle a été l’une des premières artistes à changer l’image véhiculée de la femme, notamment en s’éloignant des perceptions d’artistes masculins et en la représentant loin des canons traditionnels de la beauté. A travers son regard novateur, la femme n’est plus un simple cliché objectisé, elle retrouve au contraire une force et une indépendance qui lui est propre. Elle expliquait en 1971 : « J’ai toujours pensé que les femmes devaient s’indigner et cesser d’accepter les insultes gratuites que les hommes leur infligent. » Dans cette optique, elle peint des femmes nues, enceintes, mais aussi battues par leur compagnon.

Travaillant principalement pendant les années phares de l’abstraction, Alice Neel reste à l’écart des modes artistiques et se focalise sur la peinture figurative, à contrecourant des avant-gardes. Elle préfère peindre des personnalités sur sa toile, des histoires humaines auxquelles elle s’identifie grâce à son propre parcours difficile. Ces histoires sont d’ailleurs aussi racontées par le biais des citations de l’artiste – recueillies dans diverses sources et traduits en français – présentes en bas des cimaises. A travers sa peinture, l’artiste affirme une chose : il n’y a pas besoin de sujet noble pour peindre, mais simplement de vérité et d’empathie.

 

Andy Warhol, 1970 Huile sur toile, 152,4 × 101,6 cm, Whitney Museum of American Art, New York. Gift of Timothy Collins © The Estate of Alice Neel Photo © 2022. Digital image Whitney Museum of American Art

Elle met ainsi au premier plan ces personnes souvent laissées de côté, pas assez représentées dans l’histoire de l’art. Sa manière de placer ses modèles sur la toile nous impose sa vision franche et implacable.

L’exposition est ainsi divisée en deux temps : d’abord son engagement dans la lutte des classes, et ensuite dans la lutte des sexes. Quelques commentaires de Jenny Holzer, auteure d’une œuvre sur le dossier de FBI d’Alice Neel pendant le temps du Maccarthysme, soulignent son actualité pour les artistes cadets. Cet événement s’inscrit magnifiquement dans son époque et dans la volonté du Centre Pompidou de mettre davantage en avant les artistes femmes, réaffirmant le talent et les avancés sociologiques qu’elles suggèrent.

Peggy, vers 1949, Huile sur toile, 45,7 × 91,4 cm, Collection of James Kenyon, Los Angeles, California. © The Estate of Alice Neel and of L.A. Louver, Venice, California. Photo Malcolm Varon

Centre Pompidou

  • Adresse : Place Georges Pompidou
  • Code postal : 75004
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 44 78 12 33
  • Site Internet : www.centrepompidou.fr