Chez Buck, la toile n’est jamais seulement une surface à peindre. Elle est espace à habiter, matière à transformer, terrain de frictions. Dans sa nouvelle exposition, l’artiste délaisse le silicone, matériau fétiche qu’il utilisait en tant que surface et substance des œuvres, pour revenir à l’huile. Mais ce retour est trompeur. L’huile, ici, ne signifie pas un retour à la tradition ou à la surface plane : elle est employée comme leurre, poussée à une densité presque tactile, mimant les reliefs du silicone, ses textures molles et industrielles.

Le regard glisse, doute. Est-ce encore une image, ou déjà un message ? Comment accéder à un langage plastique ?
La toile devient alors un lieu incertain, où l’on ne distingue plus l’illusion de la matière. Buck y rejoue l’espace de la peinture, non plus comme cadre ou fenêtre, mais comme seuil. Ce seuil, il le marque souvent par des grilles, des structures répétées, mais qu’il sabote aussitôt : lignes qui tremblent, se brisent, se dissolvent.
Ces motifs, loin d’imposer un ordre, révèlent au contraire la faille du système. C’est là que la peinture respire, s’ouvre, perd son équilibre, à travers ce jeu des épaisseurs et des textures. On pourrait croire à une simple expérimentation formelle, mais c’est bien une poétique de l’espace qui se déploie. Il y a là une manière de dire que l’objet pictural n’est jamais pur, jamais autonome. Qu’il est traversé, habité, altéré.
Dans ces oeuvres, la peinture devient une matière pensante, un corps en mutation. Elle n’est plus une image à contempler, mais un lieu où l’on pourrait presque entrer, toucher, se perdre. Buck n’aplatit pas le réel : il l’épaissit.