Antoine Poupel, Dans tous mes états

Antoine Poupel, Dans tous mes états

Du 5 avril au 19 mai, la galerie Nichido présente les œuvres du photographe Antoine Poupel, dans l’exposition intitulée Dans tous mes états.

Tachetée de couleurs chaudes et tièdes, rouges, orangées, violettes, mauves et pourpres, la photographie est semblable à une peinture abstraite, digne d’un tableau de Séraphine. Le papier glacé a lissé la surface ridée et sableuse du pétale séché. Pétale séché qui fait office de touche picturale, en recouvrant la surface d’un all over floral. L’assemblage, l’accumulation, la répétition du pétale coloré, rythment et organisent les tons clairs et les tonalités sombres, en équilibrant les masses avec les lignes sinueuses. Ainsi, la composition voile t-elle la fleur, le référent, pour en extraire ses qualités plastiques. Antoine Poupel habille ses sujet photographiques de son point de vue sensible, qui ré élabore des images complexes, poétiques, fantomatiques et fantasmatiques. 

Pas étonnant qu’il soit alors dans tous mes états. Le titre est suggestif et pluriel : Mes états sont autant à l’artiste, présentant un œuvre âgé de 30 ans, qu’à la photographie, argentique, numérique en passant par le polaroïd, qu’à nous, spectateurs, parcourant l’exposition à travers un panel varié d’émotions. Car aussi diverse que soit l’œuvre de Antoine Poupel, chaque cliché a pour point commun de multiplier les évocations. La photographie se présente comme une vision double, qui superpose la réalité au fantasme, le monde à l’imaginaire, l’art au vivant. Par une série de modifications, à la peinture, ou au logiciel numérique, Antoine Poupel trafique le photographique, qui en perdrait presque ses deux premières syllabes, pour devenir graphique. 

Ainsi, plus loin, non plus une composition de fleurs séchées, mais une collection de corps musclés. Notre œil voyage sur ces corps nus, floutés, décomposés, assemblés, les uns sur les autres. Tâches de vert, de gris et de chair, dans des lignes sinueuses, à la fois géométriques et sensuelles, la composition est métissée et laisse apparaître en transparence, la nudité provocante d’une jeune femme, vêtue d’un voile de fantasmes. Sa peau est comme une eau limpide, à travers laquelle nous pouvons voir des images sous marines et sur quoi se reflètent fantasmes et rêves inconscients.

Le buste cambré est alors recouvert d’une maille de résille carrelée, dans une esthétique érotique et surréaliste, qui évoque les femmes des photographies de Man Ray. Jambes écartées, mains sur le ventre, la pose est suggestive. Les drapés chiffonnés et les muscles sculptés dans le marbre des statuts grecs, se greffent à la courbe féminine qui les caressent. L’atmosphère est vaporeuse, humide, floue : la nudité est cachée, et en même temps d’autant plus évoquée. Habillée de mille découpages, elle n’en est que plus nue de l’assemblage rationnelle qui régit notre vision. Ici, le regard a un pied sur terre et un pied dans la tête. Ainsi, Antoine Poupel, du pétale séché, à la chair délicate, en passant par la pierre froide des marbres antiques nous donnent à voir un arrêt sur image, d’un rêve flottant, éphémère et fugitif.

Texte : Elodie Réquillart

Crédit visuel : Photographie de Antoine Poupel