Du 17 novembre au 23 décembre 2017, Arthème Galerie présente les Turn-cut d’Arthur Aeschbacher à l’occasion de son exposition Turn Cut Rotative.
Dans Les Mots dans la Peinture, Michel Butor déplorait « le mur fondamental édifié par notre enseignement entre les lettres et les arts ». Peu étonnant que l’écrivain ait peu après collaboré avec Arthur Aeschbacher, artiste atypique par son attachement profond aux lettres de l’alphabet, qu’il réinvente sans répit dans une démarche esthétique, mêlant mots et couleurs.
Né en 1923, le genevois Arthur Aeschbacher, élève de Fernand Léger, occupe une place originale dans les milieux artistiques contemporains. Dès ses premiers travaux sur des affiches lacérées, il préfère s’éloigner des affichistes adhérant au Nouveau Réalisme, à l’image de Raymond Hans ou de Jacques Villeglé. Si ces derniers prolongent leur approche artistique par un aspect sociologique, l’affiche reste avant tout pour Aeschbacher un support pictural de création artistique. Lorsqu’au cours des années 1970, il se rapproche de la linguistique et de la typographie, il se distingue des lettristes. Aeschbacher est un esthète marginal, impossible à enfermer dans des cases.
Son rapport à la littérature est indéniable. André Breton parraine sa première exposition à Paris en 1951. Jacques Prévert préface le catalogue de sa seconde exposition parisienne. Michel Butor, avec qui il travaillera, publie un essai sur l’artiste. Le XXe siècle n’a eu de cesse d’explorer la porosité entre les « lettres et les arts », mais Aeschbacher se tient à l’écart. Il précise que son travail n’a rien à voir avec la littérature et se définit uniquement comme un plasticien. Une fois encore, ce désir de ne pas être catégorisé.
Depuis plusieurs années, le mot est devenu l’objet de sa quête. Avec ses Turn-cut, il révèle la charge poétique des caractères, il la matérialise. Cette technique est inspirée directement de celle du cut-up, expérimentée par son ami l’écrivain William Burroughs : un texte est divisé dans le sens de la longueur, puis chaque moitié est associée à une autre, aléatoirement. Dans ses Turn-cut, les textes sont découpés en petits carrés, puis recollés après avoir été tournés. Si la lettre reste souvent apparente, le mot est métamorphosé en matière, en couleur, en peinture. Laissons à l’artiste le dernier mot : « Opacité d’un silence, un vrai silence de plomb, d’encre d’imprimerie dans un océan de réflexion, qui vous attend au détour du langage ».
Texte : Alix Meynadier
Crédit Visuel : Arthur Aeschbacher, Turn Cut Rotative, 2017, technique mixte, 30 x 40 cm © Arthème Galerie