Dans un champ, une paire de ciseaux suspendue

Dans un champ, une paire de ciseaux suspendue

Du 9 au 20 janvier 2018, la Galerie du Crous de Paris présente les installations-sanctuaires d’Alexandre Korzeniovski dans le cadre de l’exposition Dans un champ, une paire de ciseaux suspendue.  

Alexandre Korzeniovski dit avoir longtemps rêvé d’être archéologue. C’est bien cette passion du vestige que l’on retrouve dans l’exposition Dans un champ, une paire de ciseaux suspendue, présentée au mois de janvier à la Galerie du Crous. Ce titre énigmatique donne le ton : nous entrons dans un lieu où les objets de notre quotidien basculent dans un autre temps, dans un autre mode d’existence. Ils semblent avoir été égarés, enfouis, oubliés depuis des décennies, avant d’être déterrés et minutieusement collectés. Encore lourds de leur vie passée, ils forment désormais des amas fragiles d’ « objets cueillis et d’oeuvres  ressuscitées », selon les mots employés par le jeune artiste. 

Quelle mémoire garderont les générations suivantes de notre société? Qu’est ce qui nous survit, et que disent ces reliquats de nous? Face aux installations d’Alexandre Korzeniovski, un étrange vertige nous saisit, en même temps qu’un certain attendrissement mêlé de mélancolie. Toutes ces choses qui se dressent devant nous, abîmées, dépossédées de leur raison d’être ainsi que de toute affectivité, sont les mêmes à qui nous accordons chaque jour tant d’importance, les mêmes qui peuplent notre quotidien et semblent lui donner sens alors que leur présence au monde se révèle finalement indépendante de la nôtre. Ces sanctuaires ressemblent à une tentative de retrouver dans la silhouette de l’objet altéré les souvenirs qui ont constitué le corps de nos existences, tout en constatant l’éternelle fugacité et l’inconsistance de celles-ci. Nous voilà plongés dans une temporalité ambigüe où nous devenons, avec l’artiste, les archéologues de nos propres vies.

Malgré la solitude inaltérable de ces objets abandonnés, le spectateur perçoit toujours la raison de leur présence devant ses yeux : le travail patient d’Alexandre Korzeniovski, qui les a l’un après l’autre disposés et réunis. Ce geste ritualisé semble ainsi se transmettre dans notre appréhension de l’oeuvre. Nous sommes nous aussi rassemblés dans sa contemplation silencieuse, reliés par ces ruines qui témoignent d’une forme de quotidien commun. Une sorte de musée rêvé, intime et collectif à la fois, au sein même de l’espace d’exposition de la galerie, fragile mise en abyme qui agit comme un miroir troublé. 

 

Vernissage le jeudi 11 janvier de 18h à 21h  

 

Texte : Alix Ricau

Crédit Visuel : Alexandre Korzeniovski, 2017 © Galerie du Crous