/// Emma Boutier
Nous avons tous déjà vu des photographies de Dennis Morris, sans forcément le connaître. Derrière le visage iconique d’une célébrité, l’artiste s’efface. En réunissant ces photos et en les situant dans le temps, l’exposition les ancre dans une réalité tangible, les rattache à des moments réels qui survivent dans les souvenirs de Morris, reportés aux murs.
Exposées, ces photos passent du statut d’image à celui d’oeuvre : elles ne sont plus l’équivalent du modèle, mais le produit d’un auteur et l’histoire d’une relation.
« Mad Dennis », futur Dennis Morris
Si la reconnaissance est arrivée bien assez tôt, il existe un « avant Bob » dans la carrière de Dennis Morris. Très jeune, il se passionne de photographie au point de ne plus quitter son appareil, une manie qui lui vaut le surnom de « mad Dennis ».
Dans le district populaire d’Hackney, il portraiture d’abord les anonymes. La série Growing up Black offre une plongée particulièrement intime dans le quotidien d’une communauté paupérisée avec ses propres codes culturels. Morris met l’accent sur la dignité de ses membres, toujours très apprêtés, en adoptant une esthétique de la photo studio.
La tournée d’une vie
À seize ans, le jeune photographe fait l’école buissonnière pour provoquer sa rencontre avec cet artiste jamaïcain qu’il admire déjà. Bob Marley deviendra rapidement une figure paternelle, celui qui lui a « appris [son] histoire en tant qu’homme noir ».
Un acquiescement spontané de la part du roi du Reggae suffit à sceller la future épopée de Morris, qui commença à bord d’un van serpentant dans les rues de « Babylone », et qui l’emmena jusque dans les salles étriquées des concerts punk. Aux côtés des Sex Pistols, il vit à la fois l’expérience du groupe et du public : dans les pogos, face aux crachats de la foule, son appareil toujours en main.
Débordant de son rôle de photographe, Morris eut une influence considérable sur l’évolution d’un membre du groupe. Artisan de la transition de Johnny Rotten à John Lydon, membre fondateur des Public Image Limited, il s’inspire des couvertures de magazines pour lui bâtir une nouvelle image sur les ruines de celle qu’il avait lui-même créée.
Morris photographiait les stars comme des proches, les rendant accessibles. C’est ce qui a permis à ses clichés d’intégrer si facilement la culture visuelle. Fidèle à une démarche qu’il compare au « method acting », des frontières poreuses séparent sa vie personnelle de sa vie d’artiste. Les portraits emblématiques qui composent l’accrochage sont nés de soirées arrosées avec Marianne Faithfull et de rires échangés avec Bob Marley.
Maison européenne de la Photographie (MEP)
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