Exposition Claude Cahun / Marcel Moore

Exposition Claude Cahun / Marcel Moore

À deux pas du Centre Pompidou, la Galerie Alberta Pane présente les œuvres de Claude Cahun (1894-1954) dans le cadre du parcours Paris Surréaliste, organisé à l’occasion du centenaire du mouvement. Une exposition à voir du 12 septembre au 9 novembre 2024.

 

 

 

/// Emma Boutier

 

 

 

« Les signes ont-ils un sexe ? Mon multiple est humain. Un signe hermaphrodite ne suffirait pas à le rendre » – Claude Cahun, Écrits, 1945-1946.

 

 

 

©Claude Cahun, Autoportrait aux orchidées, 1939, ©Galerie Alberta Pane

 

 

Artiste de la première moitié du XXe siècle, l’oeuvre de Claude Cahun est d’une actualité brûlante. La remise en cause des normes de genre semble être le fil d’Ariane d’une œuvre en prise avec les expérimentations surréalistes, à la croisée des médiums : photographie, écriture, collage, peinture. Sur le trottoir d’en face, le visiteur peut découvrir les œuvres hypnotiques de Marcos Lutyens.

 

Avec cette double exposition, la Galerie Alberta Pane nous conduit à questionner nos perceptions et à déconstruire nos préjugés. À travers des approches différentes, les deux artistes déstabilisent les relations entre signifiants et signifiés. Les oeuvres de Luytens font correspondre couleurs et sons
dans une étourdissante synesthésie anéantissant les repères, tandis que Cahun nous contraint à voir en dehors du prisme de la binarité.

 

 

 

Marcos Lutyens, No Art, No Ownership, No Power, No Authorship, ©Galerie Alberta Pane

 

 

Apprendre le corps


L’art de Cahun lui permet de prendre pleine possession de son corps. Un corps menacé par l’antisémitisme grandissant, un corps soumis à l’injonction à enfanter, un corps qui le/la définit. L’artiste juif.ve non-binaire prémunit son corps de toute forme de violence en en faisant l’objet de son œuvre.

 

L’esthétique du noir et blanc est mise au service de cette abstraction du corps, en l’incluant dans une atemporalité libératrice. Le spectateur se trouve face à des simulacres de photos d’archives qui, paradoxalement, montrent une disparition : des morceaux de bois et de métal disposés sur le sable donnent à voir un corps échoué, transpercé, peut-être l’enveloppe d’un esprit émancipé du corps social.

 

Cet assemblage anthropomorphe est porteur d’un sentiment d’inquiétante étrangeté. Cahun se saisit de la poupée, objet largement mobilisé par les surréalistes, pour mener une réflexion sur l’identité de genre : le creux dans le sable évoque un vagin, tandis que le pieu transperçant est semblable à un pénis en érection. De quoi amener le spectateur à penser l’absurdité des perceptions genrées.

 

 

Claude Cahun, La Père, 1932, ©Galerie Alberta Pane

 

 

Dévier le regard

 

Faire œuvre avec son corps, c’est aussi le soumettre au regard jugeant de l’Autre. Le travestissement occupe une place majeure dans l’oeuvre de Cahun, qui prend la pose dans un costume théâtral aux côtés de Marcel Moore. En rejouant les codes du freak show, l’artiste semble vouloir mettre le spectateur face à ses contradictions, en lui montrant ce qu’il rejette et qui l’intrigue, voire l’attire.


Loin de s’offrir passivement aux regards, la mise en scène confère à l’artiste le pouvoir de régler la perception. Orienté vers l’objectif, le regard fixe de Moore dérange la confortable position du spectateur-voyeur, qui se retrouve lui-même épié par ces grands yeux fardés.

 

 

Claude Cahun, Théâtre de recherches dramatiques, mai-juin 1929, 1929, ©Galerie Alberta Pane

 

 

En proposant un parcours à la fois intime et universel, la Galerie Alberta Pane rend un hommage puissant à cet.te artiste précurseur.e, dont les œuvres vieilles d’un siècle s’intègrent aux idées contemporaines avec une aisance fascinante.

 

Galerie Alberta Pane

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Galerie Alberta Pane

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