François-Xavier de Boissoudy : méditations sur la Passion au Collège des Bernardins

François-Xavier de Boissoudy : méditations sur la Passion au Collège des Bernardins

Vingt-deux toiles à l’encre sur papier de l’artiste François-Xavier de Boissoudy sont exposées au Collège des Bernardins jusqu’au 6 avril. C’est l’occasion de découvrir une représentation moderne de la Passion du Christ.

/// Nora Djabbari

 

« J’ai voulu faire un art fondé sur la rencontre. Je désirais exprimer ce que la crucifixion de Jésus il y a 2000 ans faisait en moi. Il s’agissait toujours de peindre dans une perspective de face-à-face ». Ce sont les mots de François-Xavier de Boissoudy, qui expose actuellement une série de 15 toiles au Collège des Bernardins. Comme d’autres artistes contemporains, il pose par son travail la question de la représentation du sacré dans l’art. Sa pratique artistique s’inspire d’une rencontre, celle avec le catholicisme.

 

François-Xavier de Boissoudy, « Emmaüs » © Luc Pâris

 

En 2005, sa conversion marquera le début d’une odyssée qui le mènera vers l’exploration des mystères de la foi. S’inspirant des Écritures et de ses lectures, il utilise la technique du lavis d’encre sur papier pour réaliser ses œuvres. En jouant avec le clair-obscur et les textures, il révèle des paysages divins, des brumes fumeuses d’où émerge le Christ, au milieu du mouvement du monde.

C’est bien le Christ qu’il peint dans ce parcours, ses souffrances et ses splendeurs, mais François-Xavier de Boissoudy ne se contente pas de représenter son visage tuméfié par le martyr de la croix. Il donne aussi à voir l’humanité sauvée par la lumière, cette lumière qu’il figure comme un refuge, cette même lumière qu’il laisse croître au même rythme que celui de l’eau qui s’écoule lentement sur son support. « J’utilise de l’encre à base minérale et végétale. Mes matériaux sont les terres et l’eau. Je me laisse porter par les dessins de l’eau qui jouent à ma place, créant des géographies naturelles révélées par l’encre. Travailler avec de tels matériaux me permet de me détacher du contrôle total sur mon travail et de m’offrir une respiration ». explique-t-il.

La terre et l’eau nous évoquent des symboles de renouveau et les mythes originels. La démarche de simplicité qui est celle de François-Xavier de Boissoudy nous rappelle les origines archaïques de l’art qui œuvrait originellement à créer des ponts vers le divin.

 

François-Xavier de Boissoudy, « Christ rouge » © FXB

 

Et puis au centre de ces paysages mystiques, un visage, celui de l’amour inconditionnel, intemporel. Bien sûr, on peut voir une forme de témoignage de foi dans ces toiles qui trônent aux murs juste à notre hauteur. Mais ce ne sont pas des scènes narrées qui s’offrent à nous, plutôt des figurations qui nous interpellent subjectivement, poétiquement, brutalement parfois. François-Xavier de Boissoudy nous apprend à nous arrêter, à nous émouvoir devant des douceurs de blancheurs victorieuses. Derrière ces grands aplats sombres, il nous fait voir le Christ faisant sortir l’humain du chaos informel pour l’amener vers la rédemption éternelle. Ce sont des apparitions.   

 

François-Xavier de Boissoudy, « Le serpent de bronze ou, le Désert » © FXB

 

Stat Crux dum volvitur orbis”, “la Croix demeure tandis que le monde tourne”, disaient les chartreux, une communauté monastique catholique fondée par saint Bruno au XIème siècle. François-Xavier de Boissoudy s’est approprié par le geste cette parole pour réaliser cette carte blanche. Sa pratique picturale est introspective : l’artiste s’efface, plonge dans la méditation, accepte l’imprévu et l’accident comme on accepterait au quotidien la providence divine avec confiance. Car au fond, ce qu’on retient de ces silhouettes informelles censées représenter l’humain, c’est peut-être leur vulnérabilité.

Ici, la croix immaculée rayonne, seule forme nette parmi toute cette foule hagarde attendant d’être secourue. Au milieu des tourments et des ténèbres, soudain un espoir d’apaisement permis par l’art. Alors que nous fixons en fin d’exposition la succession des visages du Christ, on s’imprègne du sentiment d’avoir opéré un voyage historique. Quelles que soient ses convictions, le visiteur pourra apprécier ces mises à nu du sacré, cette manière de donner forme à l’invisible et de partager un point de vue moderne sur la quête de sens et la spiritualité.

En parallèle de l’exposition, un catalogue publié par les éditions Première Partie disponible à la librairie du Collège des Bernardins explore le travail de François-Xavier de Boissoudy en le nourrissant de textes d’écrivains, de philosophes, de spécialistes d’art et de journalistes.

 

Collège des Bernardins

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