Hommage au sculpteur Joseph Bernard

Hommage au sculpteur Joseph Bernard

Joseph Bernard (1866-1931), sculpteur viennois tombé dans l’oubli comme de nombreux artistes talentueux, est mis à l’honneur cet été au moyen d’une exposition présentée à La Piscine de Roubaix jusqu’au 5 septembre 2021. C’est la première exposition monographique consacrée au sculpteur. Intitulé « Joseph Bernard. De pierre et de volupté », cet évènement attise déjà notre curiosité.

 

/// Eléonore Blanc

 

Le nom de Joseph Bernard n’évoquait plus aujourd’hui la même attention qu’au début du XXème siècle. Considéré pourtant comme l’égal d’Aristide Maillol et d’Antoine Bourdelle dans les années 1920 par l’historien et critique d’art Elie Faure, il était alors nécessaire de redécouvrir cet artiste majeur de l’histoire de la sculpture moderne. Cette réhabilitation a ainsi été entreprise par La Piscine, musée d’Art et d’Industrie André-Diligent de Roubaix en collaboration avec le musée Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône.

 

L’exposition « Joseph Bernard. De pierre et de volupté » présente plus de 200 œuvres issues de collections privées et publiques permettant de restituer à l’artiste la place de premier ordre qui lui est dû. L’exposition met en avant ses talents de sculpteur et de dessinateur. Nous découvrons une rétrospective balayant les évolutions esthétiques, la maîtrise de diverses techniques, et les projets dans le domaine du monument public ou encore dans les arts décoratifs.

 

Les thèmes récurrents de l’artiste sont le chant, la danse et surtout l’amour. Dans la première salle, nous sommes accueillis par de petites sculptures d’amoureux s’enlaçant comme Séparation. Puis, nous découvrons des poètes mélancoliques, des bacchantes joyeuses, des frises de danseurs, mais aussi des scènes d’intimité familiales et amoureuses, empreintes d’amour ou de tragédie.

 

Joseph Bernard, Séparation, vers 1898, Marbre.
 

L’originalité de sa production artistique tient dans ses sources d’inspiration variées et composites. Joseph Bernard a développé une dimension éminemment mystique d’une partie de son œuvre grâce des références foisonnantes. En effet, tout au long de sa carrière, le sculpteur a construit un langage singulier, difficilement classable. Son œuvre sculptée se situe au croisement de multiples esthétiques artistiques : symbolisme, art déco, expressionnisme et classicisme.

 

Joseph Bernard a également regardé bien au-delà : les cultures orientales notamment asiatiques telles que l’art indien ou l’art khmer. L’une des aspirations de Bernard était la quête de la beauté primitive. En ce sens, il regardait l’antiquité archaïque au même niveau que les cultures asiatiques. Elles lui insufflaient des inspirations d’une beauté idéale: 

 

« C’est ainsi que Bernard parcourt le monde, interrogeant le Sphinx, habillant ses êtres de songe et de poésie »

 

Riotor, Léon, « Un statuaire : Joseph Bernard », L’Art décoratif, n°116, mai 1908, p. 192

 

Joseph Bernard, Tête à l’aigrette, Vers 1912-1913, Ciment d’après la taille directe d’un galet ©La Piscine, musée d’Art et d’Industrie de Roubaix

L’exposition met également en avant les proximités avec certains artistes. Le fragment du projet de monument le Fardeau de la vie illustre une sensibilité similaire avec l’œuvre de Rodin, nous pensons notamment à la Porte de l’Enfer. Le même sentiment pathétique se dégage de l’œuvre des deux sculpteurs.  

 

Joseph Bernard, Tête de l’Homme, étude de détail pour Le Fardeau de la vie, vers 1997, plâtre ©La Piscine, musée d’Art et d’Industrie de Roubaix

 

Dessinateur, Joseph Bernard l’était assurément. Ce talent est dévoilé par l’exposition, qui présente des estampes et dessins avec une grande diversité de techniques, parfaitement maîtrisée : lavis, dessin à la plume, travail des rehauts de gouache…

 

Joseph Bernard est considéré comme le rénovateur de la technique dite de la taille directe. La salle des sculptures monumentales de l’exposition en est révélatrice. Et pour la moins impressionnante. Chaque coup porté sur la pierre est définitif. En observant la finesse des lignes et des courbes, l’aspect voluptueux et pur des formes, tout le génie de Joseph Bernard se révèle à nous. L’utilisation de cette technique de la taille directe permet à l’artiste de créer son esthétique : une synthétisation des formes et une pureté des lignes. Ses nombreuses Porteuses d’eau en sont le parfait exemple.

 

Révolutionnaires – tant elles tranchent avec l’esthétique de son époque consacrée au foisonnement des détails – les Porteuses d’eau de Joseph Bernard sont sobres, épurées et sensuelles par leur nudité assumée.

 

Joseph Bernard, Jeune fille à la cruche ou Porteuse d’eau [corps, avec tête, sans bras], 1910, bronze et marbre

 

 

L’exposition « Joseph Bernard. De pierre et de volupté » est un bel hommage à cet artiste, et une redécouverte de son œuvre sculptée et dessinée. Comme l’écrivait Alexandre Arsène (dans « Petite expositions », Le Figaro du 7 mai 1908, page 7), il faut découvrir ce « captivant artiste, peintre, dessinateur et sculpteur ».

 

Joseph Bernard, Etudes de Vase, 1910.

 

 

 

La Piscine – Musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix

  • Adresse : 23 Rue de l'Espérance
  • Code postal : 59100
  • Ville : Roubaix
  • Pays : France