La Galerie Claudine Legrand inaugure son cycle d’expositions de 2025 avec une monographie consacrée à Iva Tesorio, peintre slovaque installée dans le Sud de la France depuis la fin de la Guerre Froide.
/// Emma Boutier
Au 49 rue de Seine, des jeunes filles prennent la pose devant des fonds abstraits, dans un flou environnant qui prend part à une bizarrerie latente. Résultat d’un travail en glacis, la surface de la toile est composée des traces inégales laissées par les couches de peinture à l’huile, appliquées successivement.
Iva Tesorio travaille sur la mémoire, ce qu’il subsiste des moments vécus. Dans ses tableaux, est développé un univers du songe, dont les figures incarnent la persistance des images. Comme dans un rêve, des visions survivent, d’autres s’effacent. Certaines nous apparaissent nettes et d’autres un peu floues, sans que l’on puisse l’expliquer. Le spectateur psychanalyste essaiera de faire sens de ces rencontres incongrues.
On peut aussi penser ces tableaux comme des mises en scène au service d’une quête de soi, ces jeunes filles comme des alter-ego de l’artiste. Des projections ou des souvenirs des rôles interprétés, qui résistent au type grâce à l’ajout d’éléments qui les singularisent : une posture, un regard, une association.
Plusieurs facettes du personnage se révèlent dans l’exposition. L’enfant mal à l’aise, bras tendus et oeil hagard, trouve son antagonisme dans La reine des Carpathes. Menton haut, posture noble, cette figure royale est sans doute un fantasme suscité par la lecture du roman de Jules Verne, dont la touche, évanescente par endroits, indique la nature fictive. Le rapport d’inversion chromatique entre cette toile et Petite robe noire semble signaler leur correspondance, comme le rêve et la réalité.
La question du faux occupe une place importante dans l’oeuvre d’Iva Tesorio. Le masque, lapin ou chat, se retrouve dans plusieurs de ses tableaux. C’est un masque festif, un déguisement plutôt qu’un camouflage. Il s’intègre à cet univers de l’enfance, tout en alimentant le sentiment d’inquiétude inexplicable qui émane des toiles.
Diplômée en 1989 d’un doctorat en enseignement des Beaux-Arts à l’université de Presov (Slovaquie), Iva Tesorio s’inscrit dans la lignée des grands maîtres. Elle allie une palette caravagesque à une touche brumeuse et des contours doucereux qui rappellent la manière d’Eugène Carrière, et l’expression de l’intériorité de ses personnages la rapproche des Romantiques.
Isola Bella montre une Héra jeune et humanisée, dont les paons, blancs au plumage rétracté, font écho à l’humilité de sa posture, qui signale une forme de gêne rendant sa nudité indiscrète. Ainsi, l’artiste ne se contente pas de faire référence à l’Histoire de l’art, mais invite à en questionner les représentations les plus emblématiques.
Galerie Claudine Legrand
- Adresse : 49 rue de Seine
- Code postal : 75006
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 43 25 96 60
- Site Internet : www.galerielegrand.com