La Biennale « 4 à 4 » du Musée Paul Valéry de Sète

La Biennale « 4 à 4 » du Musée Paul Valéry de Sète

La 7ème édition de la biennale « 4 a 4 » sur les cimaises du musée Paul Valéry (qui en 2018 a reçu le label Architecture remarquable du XXe siècle), nous propose d’aller à la rencontre de 4 artistes aux mondes, univers artistiques et pratiques plastiques différentes nous rappelant toutefois « combien la création artistique résulte d’une interrogation incessante face au monde. ».

 

/// Stéphane Gautier

 

C’est sûrement cette affirmation de Stéphane Téroux commissaire général de l’exposition, nouveau directeur du musée Paul Valéry, et conservateur en chef du patrimoine qui est la pierre d’achoppement de la proposition de cette 7eme biennale. Car au-delà des différences stylistiques géographiques, et générationnelles d’Alain Campos, Aroldo Governatori, Nissrine Seftar et Zhang Hong Mei les 4 artistes invités, tous nous dessinent à leur manière « les contours d’une expérience, où les questions éternelles de la condition humaine s’actualisent d’une manière qui est propre à notre temps. ».

 

© Gilles Hutchinson

Alain Campos artiste autodidacte né à Casablanca en 1955, et qui vit et travaille à Sète depuis 2006, nous fait part de ses interrogations face à un monde du tout numérique, seul vecteur de rencontres durant l’expérience du confinement. Sa peinture traduit cette modification de notre rapport au temps et à l’espace.  Ses figures souvent répétées à l’identique d’œuvres en œuvres ou bien dédoublées, soulèvent une interrogation sur « Ego », le Moi que Selfie affiche en toutes lettres. Avec de l’humour et parfois de la gravité, la pomme du logo Apple fait son apparition dans le jardin d’Eden, tandis qu’un cordon USB s’enroule à la manière du serpent autour de l’arbre de la connaissance.

 

ALAIN CAMPOS – Madame Irma – 2021 – Acrylique sur toile – 90 x 120 cm – © Gilles Hutchinson

 

Aroldo Governatori, est le senior de cette biennale. Né en 1937 en Italie, grand voyageur, commence sa carrière à Rome en 1967 avant de rejoindre le sud-ouest de la France où il résidera 30 ans durant. Il vit et travaille en Italie, un pays qui marque profondément son travail. Au travers des 3 séries de peintures exposées sous le titre La Voce del profondo (La voix des profondeurs) il nous parle des temps primitifs ou la terre s’est formée, des ères géologiques, au moyen d’une peinture que l’on pourrait qualifier de tellurique et presque parfois alchimique. Par le choix de cadrages serrés, les scènes d’irruption volcanique (qui ne sont pas sans rappeler la tradition napolitaine des vedutte du Vésuve) nous plongent au cœur même de la matière en fusion, du magma premier, laissant ainsi toute la primauté aux variations du coloris.  Au moyen d’impressions numériques retravaillées et composées à la manière de collages, il associe à de grands motifs de veinures minérales des scènes de la peinture primitive italienne. En résultent de grandes compositions troublantes par les effets obtenus, convoquant des images mentales, nous rappelant ainsi l’assertion de Léonard de Vinci : « La pittura è cosa mentale » (la peinture est une chose mentale). Dans sa série des Cinabri (le cinabre est composé de sulfure naturel de mercure), dont Pline disait qu’il coûtait aussi cher que le bleu d’Alexandrie, son utilisation fut interdite au 19e siècle, Aroldo Governatori devient alchimiste et convoque dans des teintes vermillons un monde fantasmagorique.

 

AROLDO GOVERNATORI – La voce del profondo VIII – 2013-2014 – Tempera sur toile – 89 x 130 cm – © Ruggero Passeri – © Alfonso Napolitano – © Enrico Bartozzi

 

La troisième invitée de la biennale est l’artiste chinoise Zhang Hong Mei, née en 1973 et diplômée de l’Académie des beaux-arts du Shandong (section textile) en 1991. A partir de 1996, enseignante en art et dessin textile elle collabore avec de grandes maisons de design textile en Chine, en Italie et en Angleterre.  Sa pratique associe donc dans de très grands formats la découpe du tissu à la peinture acrylique. Sous la forme de paysages urbains imaginaires, dans une dimension pop, elle suggère par ses découpes, renouant en cela avec la tradition du papier découpé, activité typiquement féminine remontant à la dynastie des Han, l’univers des mégalopoles chinoises où les paysages citadins et ferroviaires défilent de manière fugitive dans des déplacements rapides. Son installation, performance intitulée Human Condition (2018), réunissant des mannequins en résine recouverts de tissus et de ruban adhésif, nous rappelle l’armée de terre cuite des soldats de Xi’an. Mais ici les individualités sont effacées, elles sont hiératiques et contraintes dans une espèce de vacillement qui pourrait nous faire basculer vers les peurs primaires présentes en chacun d’entre nous.

 

ZHANG HONG MEI – City Speed Series – 2018 – Triptyque, tissu et acrylique sur toile – 170 x 420 cm – panneau n° 1 : 210 x 170 cm – n° 2: 210 x 170 cm – n° 3 : 210 x 170 cm – © Chen Wen Jin

 

La plus jeune des artistes invités est l’artiste plasticienne Nissrine Seftar. Née au Maroc en 1983, résidant en France depuis 2011, et tout récemment sortie de résidence à l’Académie de France, Villa Médicis à Rome. Nissrine Seftar qui a connu les deux rivages de la méditerranée et a été profondément marquée par le « Printemps arabe » est une glaneuse des traces d’un passé douloureux. Elle travaille sur les lieux qui conservent les traces du passage du mal, comme Guernica, Ouradour-sur-Glane, ou le camp de Rivesaltes. Par la prise d’empreintes directement sur le sol qui a été marqué par le passage de l’histoire, dans ce que le théoricien philosophe et critique d’art Georges Didi-Huberman nomme « ressemblance par contact » Nissrine se fait « releveuse » des empreintes du passé qu’elle emprisonne dans le plâtre : « l’empreinte conserve en effet la trace de son origine et possède un lien fort avec son modèle que j’assimile à une énergie ». Parfois travaillées en strates, du grillage ou de la peinture venant se superposer à l’empreinte prise dans le plâtre, Nissrine cherche à réparer avec ses œuvres (peintures, vidéos, installations, photographies) le lien que le passage de l’histoire a pu rompre.

 

NISSRINE SEFFAR – Guernica Huella – 2017 – Prélèvements d’empreintes, Guernica – peinture et pigments acryliques sur toile de lin – 349 x 777 cm – © Nissrine Seffar

 

La biennale 4 à 4 est donc bien, au travers de la présentation du travail de ces 4 artistes dans un ensemble à la fois unique et composite un geste accompli par des artistes en direction des visiteurs.

 

© Gilles Hutchinson

 

Visuel principal : AROLDO GOVERNATORI – Incendio nella cattedrale [Incendie dans la cathédrale] – 2017-2021 – Tempera sur impression numérique sur toile, 73 x 92 cm – © Ruggero Passeri – © Alfonso Napolitano – © Enrico Bartozz

 

Musée Paul Valéry

  • Adresse : rue François Desnoyer
  • Code postal : 34200
  • Ville : Sète
  • Pays : France
  • Tel : 01 57 67 04 02
  • Site Internet : www.sete.fr/Musees.html
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Musée Paul Valéry

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