L’art engagé de Faith Ringgold

L’art engagé de Faith Ringgold

Du 31 janvier au 2 juillet 2023, le Musée national Picasso-Paris accueille la première exposition en France réunissant un ensemble d’œuvres majeures de Faith Ringgold. Elle prolonge la rétrospective que lui a consacré le New Museum au début de l’année 2022 et est organisée en collaboration avec cette institution new-yorkaise.

/// Lolita Fragneau

Née à New York en 1930, Faith Ringgold a grandi à Harlem, un des quartiers de Manhattan. En grandissant, elle devient artiste et enseignante dans les écoles publiques. Elle apparaît comme étant une figure majeure d’un art engagé et féministe américain, depuis les luttes pour les droits civiques jusqu’à celles du mouvement Black Lives Matter. L’artiste explique les teneurs de son engagement ainsi : « La question était simplement de savoir comment être noir en Amérique. Il n’y avait aucun moyen d’échapper à ce qui se passait à l’époque [les années 1960] ; il fallait prendre position d’une manière ou d’une autre, car il n’était pas possible d’ignorer la situation : tout était soit noir, soit blanc, et de manière tranchée. »

Faith Ringgold, Early Works #25: Self Portrait, 1965, Huile sur toile, 127 x 101,6 cm, Brooklyn Museum; Gift of Elizabeth A. Sackler, 2013.96. © Faith Ringgold / ARS, NY and DACS, London, courtesy ACA Galleries, New York 2022.

La première partie de l’exposition revient sur l’engagement de Faith Ringgold contre le racisme ordinaire, notamment via sa série American People (Les Américains). En 1967, alors que les tensions sont à leur comble, elle peint selon une palette sombre et subtile des toiles dites Black Light (Lumière noire). « Je voulais m’engager désormais dans la lumière noire », affirme-t-elle, « dans des nuances chromatiques subtiles et dans des compositions basées sur mon intérêt nouveau pour les rythmes et les motifs africains. » Elle y célèbre la beauté afro nouvellement reconnue à travers du slogan « Black is Beautiful ». En parallèle, ses affiches militantes avec des compositions typographiques sont exposées et démontrent l’engagement de l’artiste au sein du mouvement Black Power.

Dans la seconde section, Faith Ringgold dénonce « l’American Way of Life » au lendemain de la ségrégation. Une de ses créations les plus choques y est figurée : American People Series #20: Die (1967). Elle s’inspire de Guernica, peint par Palo Picasso en 1937, l’un de ses tableaux préférés qu’elle a pu voir au MoMA. L’immense toile disposée sur le mur est beaucoup plus crue et sanglante que l’artiste catalan, présentant la violence du quotidien entre hommes, femmes, et enfants, sans différenciation de couleur de peau. Elle explique qu’elle « ne voulai[t] pas que les gens puissent regarder et détourner le regard, parce que beaucoup de gens font ça avec l’art. Je veux qu’ils regardent et voient. Je veux agripper leurs yeux et les maintenir ouverts, parce que c’est ça, l’Amérique. »

Faith Ringgold, Slave Rape #3: Fight to Save Your Life, 1972, Huile sur toile et tissus, 233,7 × 129,2 cm, Glenstone Museum, Potomac, Maryland. © Faith Ringgold / ARS, NY and DACS, London, courtesy ACA Galleries, New York 2022. Photo: Tom Powel Imaging; courtesy Pippy Houldsworth Gallery, London

Dans la salle suivante, le visiteur découvre les célèbres Tankas de Faith Ringgold, elle qui a « commencé à peindre et à créer un art correspondant à [son] identité de femme noire. » Après un séjour à Amsterdam, elle découvre au Rijksmuseum des Tankas : des peintures sur tissu tibétaines et népalaises du XVe siècle qui lui inspire sa première série picturale textile Slave Rape. L’artiste y aborde pour la première fois la question de l’esclavage.

Un autre espace présente ensuite les œuvres inspirées de son passage à Paris et dans le sud de la France, avec les artistes phares qui l’ont inspiré, tel que Vincent Van Gogh, Pablo Picasso, Matisse, et tant d’autres : « avec The French Collection, je voulais montrer qu’il y avait des Noirs à l’époque de Picasso, de Monet et de Matisse, montrer que l’art africain et les Noirs avaient leur place dans cette histoire ». Elle y déploie des situations imaginaires, pleines de fantaisie, mettant en scène des acteurs réels historiques, des lieux de la scène française mais aussi des personnalités africaines américaines historiques et contemporaines, mélangeant époques et générations.

Enfin, la dernière partie revient sur un spectacle-performance itinérant qu’elle a mis en place, intitulé The Wake and Resurrection of the Bicentennial Negro (1975-1989). En réponse à la commémoration du bicentenaire de la déclaration d’indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776, elle a conçu un récit allégorique sur la condition des Noirs à partir d’une installation d’effigies en tissus, d’accessoires et de fleurs : un couple africain-américain décédé, Buba et Bena, ressuscite dans un monde meilleur et égalitaire. La performance a lieu sur un fond sonore d’extraits du discours de Martin Luther King, « I Have a dream », ainsi que des célèbres Gospels, terminant ainsi la visite de l’exposition sur le positivisme et l’espoir de changement qui caractérise l’artiste.

Faith Ringgold, American People Series #20: Die, 1967, Huile sur toile, deux panneaux, 182,9 x 365,8 cm, The Museum of Modern Art, New York, Purchase; and gift of The Modern Women’s Fund, Ronnie F. Heyman, Glenn and Eva Dubin, Michael S. Ovitz, Daniel and Brett Sundheim, and Gary and Karen Winnick.

Musée Picasso

  • Adresse : 5 rue de Thorigny
  • Code postal : 75003
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Site Internet : www.musee-picasso.fr
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Musée Picasso

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