Le musée nostalgique de Yin Xin

Le musée nostalgique de Yin Xin

Après avoir connu une très belle exposition à la Galerie Nichido en 2018, la galerie Orbis Pictus de Paris propose de mettre à nouveau à l’honneur les toiles de l’artiste contemporain Yin Xin à travers l’exposition Et après ? visible du 12 janvier au 25 février 2023. Les œuvres parfaitement exécutées apportent un nouveau regard sur la peinture occidentale classique à travers les yeux, la palette et les pinceaux du peintre chinois.

 

/// Lolita Fragneau

 

Yin Xin est né en 1959 et est originaire de Kashgar, à l’ouest de la Chine. Son enfance se déroule durant la Révolution culturelle de Mao de 1966 à 1968, qui fera plusieurs millions de victimes. Les affiches politiques de son quotidien qu’il copie avec d’autres enfants vont le pousser à développer une passion pour la peinture qui le pousse à suivre des études à la Xinjiang Normal University of Fine Arts – où il a enseigné par la suite pendant deux ans – puis au Royal Melbourne Institute of Art. Il voyage dans de nombreuses métropoles comme Taiwan, Hong Kong, Tokyo, Londres et New York pour y exposer ses œuvres, avant de s’installer définitivement à Paris en 1994.

 

Yin Xin, After da Vinci

Très vite, l’artiste chinois devient un des grands représentants du « chinesefying » : il utilise les techniques occidentales de peinture à l’huile qu’il mélange avec un traitement « à la chinoise » des grands thèmes de la peinture occidentale.  De la Route de la soie aux avenues parisiennes cossues, de la Révolution culturelle de Mao au musée du Louvre, Yin Xin a appris la peinture comme on le faisait traditionnellement : en copiant les grands Maîtres et en apprenant tous les secrets de la peinture à l’huile pour développer ensuite son propre style.

En effet, l’artiste aime convoquer en les réinterprétant quelques-unes des œuvres majeures de la peinture occidentale tels que de Vinci, Holbein, La Tour, Velázquez, Manet, Whistler, Kramskoï, Sargent, pour enrichir son musée imaginaire. L’homme caché par une colombe de L’Homme au chapeau melon (1964) de René Magritte apparaît non plus avec l’habit occidental, mais avec un costume traditionnel chinois sur fond mystérieux. De même, les paysans aux cheveux blonds de American Gothic (1930) de Grant Wood sont remplacés par des traits d’origine chinoise et une chevelure brune. La composition reste la plupart du temps fidèle à l’œuvre originale comme dans la reprise du Gilles (1718-1719) d’Antoine Watteau, mais l’attitude en elle-même se modifie et s’adapte à une autre interprétation.

 

Yin Xin, After Grant Wood, 130 x 97 cm

Il n’y a ici aucune volonté de revanche d’une Chine conquérante qui se réapproprierait les traditions occidentales. Ses transformations et métamorphoses très personnelles de la peinture traditionnelle permettent ainsi de mettre en regard deux grandes civilisations artistiques et culturelles qui se nourrissent par l’imagination fertile de l’artiste.

Dépassant les codes propres aux religions et aux cultures, Yin Xin invite à découvrir et entrevoir ce qui se cache derrière la toile, trouver l’âme de l’artiste, son intention et cela au-delà de l’image. L’observation attentive de cette association d’éléments orientaux et occidentaux aiguise chez le spectateur la perception de la valeur artistique de l’œuvre dans son propre contexte culturel. Avec tendresse et non sans quelque ironie, il propose une nouvelle lecture d’œuvres iconiques du passé.

Les peintures exécutées à la manière des grands maîtres sont créées avec un soin particulièrement aigüe apporté au traitement de la lumière et un léger trait d’humour. L’exposition se présente alors comme un musée réinventé et complété des compositions nostalgiques et romantiques d’une Chine coloniale élitiste qui avait fait sienne les codes de l’Occident.

Yin Xin, After Kramskoy “Portrait of a Woman”
 

Galerie Orbis Pictus