Le sexe « faible » au premier plan

Le sexe « faible » au premier plan

Après la très belle exposition monographique sur la photographe Laure Albin-Guillot, la Galerie Roger-Viollet présente du 26 janvier au 25 mars 2023 un événement mettant en avant les femmes en général, intitulé Une Histoire Photographique des Femmes au XXe siècle. La galerie y célèbre le chemin parcouru pour l’émancipation de la femme au cours de ce siècle de transition vers l’indépendance et le changement des mentalités à travers plus d’une soixantaine de tirages contemporains et historiques.

 

/// Lolita Fragneau

 

Agnès Grossmann, dans son livre Une Histoire photographique des femmes au XXe siècle, écrivait que si « les hommes doivent conquérir le monde, les femmes doivent conquérir les hommes » quant à elles. Au début des années 1900, le monde est donc profondément scindé en deux : d’un côté le sexe « fort », de l’autre le « faible », l’un et l’autre ne partant pas avec les mêmes opportunités dans la vie. Cette profonde inégalité des sexes installée par l’ordre social de la société patriarcale est petit à petit mise à mal lorsque l’éducation de la femme se fait de plus en plus poussée. Le droit de vote, la libération du corps, le sport qui s’ouvre aux femmes sont autant d’avancée historiques que de bonds vers un avenir plus égalitaire.

 

Reportage pour la revue Fémina. Côte d’Azur, 1933-1935.
© Boris Lipnitzki / Roger-Viollet

Pourtant, c’est une longue lutte acharnée que l’obtention de droits fondamentaux. Certains tirages exposent la différence entre ces fantasmes de la femme réalisés pour des couvertures de magazines de propagande nazie, à côté d’un cliché montrant des femmes d’après-guerre rasées pour être soupçonnées d’avoir fréquenté l’ennemi. La réalité du combat n’est pas camouflée, jusqu’aux manifestations des années 70 où débute les premiers combats féministes pour la libération de la femme. Ces femmes n’ont pas besoin d’être Gisèle Halimi, elles n’ont pas besoin d’être un porte-parole, un symbole, une écrivaine : elles ne sont personnes, mais se battent ensemble pour leurs convictions les plus profondes.

Les photographies touchent et interpellent autant que la fameuse phrase de Simone de Beauvoir qui est judicieusement rappelé : « On ne naît pas femme on le devient ». Des femmes phares, il en faudra quand même pour éclairer la cause. Pour leurs talents, leurs intelligences et leurs courages qui ont su modifier les mentalités et dépasser les carcans, leurs portraits sont exposés pour qu’à jamais on puisse se souvenir de ces noms et de ces visages intemporels : Simone Veil, Françoise Giroud, Louise Weiss, Colette, Marie Curie… Puis, dans la salle d’à côté, trois artistes iconiques qui ont su parler directement au peuple de manière franche : Edith Piaf, Barbara, et Brigitte Bardot. Chacune à leurs façons, elles ont marqué leurs époques, mais pas seulement : elles restent dans l’inconscient collectif des symboles de femmes libres, fortes et indépendantes que rien ne pouvait arrêter.

 

Jeunes femmes en maillots de bain, fin des années 1960. © Ullstein Bild / Roger-Viollet

La plupart des photographies sont en noirs et blancs, vestiges s’un siècle passé. Quelques-unes apparaissent néanmoins en couleurs, insistant sur l’évolution constante, que ce soit l’époque, les techniques, ou les mœurs. La société se doit d’évoluer avec son temps. Le modèle féminin idéal n’est plus aujourd’hui celui d’être une épouse et une mère, et les femmes peuvent désormais prendre possession de leurs corps et de leurs individualités. Certes, « la femme de l’an 2000 est une femme libre de ses choix », mais l’exposition rappelle aussi que l’histoire n’est pas terminée, et qu’une continuité de photographies restent à ajouter.   

Jeune fille devant un juke-box, 1956. © Roger-Viollet
 

Galerie Roger-Viollet