L’exposition « Monet – Mitchell » : à la croisée d’un art transgressif

L’exposition « Monet – Mitchell » : à la croisée d’un art transgressif

Appartenant à deux générations disparates, étant de nationalités différentes et possédant des styles assez éloignés l’un de l’autre, Claude Monet et Joan Mitchell paraissent de prime abord comme deux artistes très discordants, qui n’ont pour point commun que leur métier similaire. Pourtant, leurs peintures avaient bel et bien été rapproché dans les années 1950 lorsque l’expressionnisme abstrait américain commençait tout juste à émerger. Depuis le 5 octobre 2022 et jusqu’au 27 février 2023, la Fondation Louis Vuitton revient sur ce dialogue artistique à travers ce tête-à-tête entre le français et l’américaine. L’exposition « Monet – Mitchell » est par ailleurs accompagnée d’une rétrospective des œuvres de Joan Mitchell, célébrant ainsi l’artiste expressionniste sur chaque parcelle des étages de la Fondation.

 

/// Lolita Fragneau

 

Une exposition rassemblant les tableaux impressionnistes de Monet et les toiles expressionnistes de Mitchell, cela peut paraître saugrenue. Et pourtant, les deux artistes s’accordent sur un point : ils refusent réciproquement d’être rattachés à un seul mouvement artistique, répudiant l’ancrage aux carcans d’un genre unique. On résume le plus souvent les œuvres de Monet à l’impressionnisme français, par le scandale et la révolution que provoqua le créateur d’Impression, soleil levant – présenté à la première exposition de la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs qui a eue lieu en 1874. Monet n’invente rien puisque le groupe des impressionnistes se forme depuis l’année 1860 grâce au chef-de-fil Édouard Manet, et ce n’est qu’en 1862 que Monet le rejoindra à son tour. Néanmoins, Monet est l’un des artistes à retenir le plus l’attention des critiques d’art, et ses œuvres posent les caractéristiques principales qui qualifieront le mouvement par la suite : il faut peindre devant le motif et « s’attacher à la représentation du caractère éphémère de la lumière et ses effets sur les couleurs et les formes ».

 

Claude Monnet, Le jardin à Giverny, 1922-26 (huile sur toile)
MUSEE MARMOTTAN MONET, PARIS

Toutefois, le style de Monet n’est pas resté linéaire et sans oscillation. Vers la fin de sa carrière, on constate un changement dissonant avec les œuvres de ses débuts. C’est potentiellement dû au développement de sa cataracte, ou plus certainement au fait que Monet était avant tout un innovateur, un homme qui refusait d’être limité par les diktats du genre. C’est d’ailleurs sans grand étonnement que Joan Mitchell affirmera au critique américain Irving Sandler en 1957 « J’aime le Monet de la fin, mais pas celui des débuts » et refusait d’être assimilée au peintre français. Comment ne pas préférer le « Monet de la fin », puisque celui-ci s’intéresse enfin à la quête de la « sensation » et plus à celle des « impressions », à l’instar de l’artiste américaine.

Monet et Mitchell se rejoignent alors dans le dessein inhérent de leur art, mais également dans les motifs choisis. Mitchell a beau être américaine et avouer ne pas aimer la France, elle reconnaît apprécier ses paysages et vient naturellement s’installer à Vétheuil en 1967, non loin de la maison de Giverny qu’occupa Monet à la fin de sa vie. Les mêmes lieux d’une beauté sans égale sont visibles dans cette exposition, mais avec deux regards et deux interprétations différentes. On y retrouve alors les célébrissimes « Nymphéas », qui firent la gloire posthume de Monet, ainsi que le cycle de La Grande Vallée conçu par Mitchell. Finalement, sont-ils si différents les uns des autres que cela, ces jardins et paysages aqueux de Giverny ?

 

Joan Mitchell, La Grande Vallée, 1983

Aux antipodes de son confrère, Michell ne peint pas d’après le motif mais s’imprègne malgré tout de ce qu’elle contemple. Sauvegardant l’émotion ressentie devant le paysage et acceptant sa potentielle modification par la mémoire, elle affirme s’inspirer avant tout de cette « valise à souvenir » qu’elle trimballe avec elle. C’est notamment par la couleur et le geste qu’est formulé l’expressivité de la toile, aussi bien chez Mitchell – qui, en tant que synesthète, associe les couleurs à des sensations – que Monet. Prenons l’exemple du Bassin aux nymphéas de 1919 : la toile se noie entre un amalgame de touches rouges et vertes, dont le rendu très homogène révèle un tableau à la limite du monochrome abstrait. La couleur est exacerbée et le tableau laisse une grande part à l’imagination, de la même manière que sa collègue américaine. Dans cette salle, les frontières entre Monet et Mitchell se brouillent, et les amateurs perdent le fil sur le créateur des toiles.

Si le but de cette exposition n’est pas de les comparer, elle met néanmoins en évidence les choix audacieux de deux artistes très avant-gardistes pour leur époque respectives, ainsi que leur capacité inouïe à casser les codes, transgresser les limites imposées et révolutionner le monde de l’art.

Claude Monet, Nympheas, 1916-1919
 

La Fondation Louis Vuitton

  • Adresse : 8 Avenue du Mahatma Gandhi
  • Code postal : 75116
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 40 69 96 00
  • Site Internet : www.fondationlouisvuitton.fr
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