Mark Rothko à la Fondation Louis Vuitton : l’exposition événement

Mark Rothko à la Fondation Louis Vuitton : l’exposition événement

Jusqu’au 2 avril 2024, découvrez l’exposition événement Mark Rothko à la Fondation Louis Vuitton. C’est la plus grosse exposition consacrée à ce peintre à ce jour. Le parcours rassemble plus de 100 œuvres et se déploie sur les 4 étages de la Fondation.
 

/// Nora Djabbari

 

Plus de 20 ans ont passé depuis la dernière exposition dédiée à Mark Rothko, laquelle remonte à 1999 au Musée d’Art Moderne de Paris. Pour les commissaires de cette nouvelle exposition, il s’agit donc d’une double nécessité : celle d’approfondir la connaissance et d’accorder la reconnaissance à un artiste dont l’œuvre reste relativement peu explorée en France. Plus de 100 pièces majeures sont réunies pour l’occasion, offrant ainsi une sélection représentative qui révèle toute l’importance de Rothko. L’exposition « Mark Rothko » a été rendue possible grâce à un ensemble de prêts provenant de la National Gallery of Art de Washington, de la famille de l’artiste et de la Tate de Londres. Le parcours, qui se déroule de manière chronologique, propose une lecture renouvelée de l’œuvre de Rothko, mettant en avant la notion centrale de dialogue dans son travail, travail qui ne saurait être complet sans le visiteur, prêt à ressentir par le regard et à s’approprier de façon immersive le tableau sous ses yeux.

 

Vue d’installation de l’exposition Mark Rothko, galerie 1, niveau -1, salle Scènes urbaines, métro et portraits © 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko – Adagp, Paris, 2023

La première salle circulaire donne à voir ses premières compositions d’entre-deux-guerres, qu’on aurait tort de négliger. C’est l’occasion de découvrir un travail figuratif qu’on lui connaît moins, mais qu’il abandonnera vite, comme il l’explique : “Pour les peintres de ma génération, ce qui comptait avant tout, c’était la figure humaine, mais à force d’essayer de la reproduire, je me suis aperçu que je ne pouvais le faire sans la mutiler”. Ici, les personnages sont de mystérieuses figures à la limite de l’abstraction. Pensifs et silencieux, ils s’étendent jusqu’aux bords des toiles, capturés dans un moment d’introspection insaisissable. On retrouve cette obsession du cadre et de la verticalité qui caractérisera sa création ultérieure.

Le peintre peint les quais souterrains du métro new-yorkais, les foules anonymes, le rythme aliénant d’une ville percutée par la dépression économique. Mais Rothko, même à ses débuts cherche déjà à transcender les limites de la représentation figurative pour atteindre l’universel. Comme le dit Christopher Rothko, son fils et commissaire d’exposition, sa motivation n’est pas tant de faire une simple représentation singeant le monde extérieur, mais plutôt de capturer ce que c’est que d’être telle ou telle personne dans son environnement. Les toiles sont mélancoliques, marquées par une tension ineffable.

 

Mark Rothko, « Slow Swirl at the Edge of the Sea », 1944, Huile sur toile © 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko – Adagp, Paris, 2023

Les années 1940 marquent un tournant décisif dans sa carrière. Le travail de Rothko se nourrit du contexte de cette époque et des mouvements émergents comme le néo-surréalisme. Le peintre y signe sa période mythologique. Il se tourne alors définitivement vers l’abstraction. La série Mythologies s’inspire de ses lectures et ses toiles défient toute interprétation littérale et univoque. Comme une réponse et un refuge face à la guerre naissante qui impose désormais ses structures de pouvoir oppressives.

 

Vue d’installation de l’exposition Mark Rothko, galerie 11, niveau 2, salle « La couleur, encore » © 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko – Adagp, Paris, 2023

Rothko invite le spectateur à s’engager dans une expérience personnelle et intime avec la couleur et la forme. Son but aura toujours été d’impliquer, de confronter l’individu dans un dialogue avec ses toiles. C’est pour cette raison qu’il finira par délaisser les mythes, pas encore assez universels à son goût. Au fur et à mesure que nous avançons dans le parcours, nous nous immergeons dans ce dialogue grâce à une scénographie aérée. L’espace nous invite à la contemplation. La visite est jonchée de bancs à parfaite distance des tableaux qui permettent le recueillement. Progressivement, notre avancée chronologique nous mène aux aplats dits “classiques” à la géométrie de plus en plus assurée. Les tableaux s’agrandissent.

 

Vue d’installation de l’exposition Mark Rothko, galerie 6, niveau 1, salle Blackforms © 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko – Adagp, Paris, 2023

L’éclairage des œuvres participe pleinement à une appréhension sensible des formes et des couleurs, nous permettant d’apprécier l’intensité émotionnelle des monochromes. Les couleurs vibrantes contrastent avec l’obscurité des salles, chaque tableau étant entouré d’une aura lumineuse qui crée un monde intérieur où se révèle « l’expression simple de la pensée complexe« , comme le décrivait Rothko. Tout au long du parcours, une composition musicale disponible sur l’application de la Fondation et spécialement conçue pour l’exposition accompagne nos pas, facilitant notre immersion dans l’œuvre.

 

Vue d’installation de l’exposition Mark Rothko, galerie 5, niveau 1, salle Seagram Murals © 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko – Adagp, Paris, 2023

Les derniers Rothko se caractérisent par leurs couleurs sombres, mais sont paradoxalement les plus lumineux. C’est maintenant par l’intérieur des toiles en elles-mêmes que le peintre puise la lumière, plus que dans les éclairages extérieurs. L’on peut également voir les célèbres “Seagram Murals”, une série de toiles qui se distinguent par leur palette sombre. Alors qu’elles étaient initialement commandées pour décorer le restaurant Four Seasons de New York en 1958, Rothko renonça à ce projet pour finalement en faire don à la Tate de Londres, jugeant que ses pièces ne correspondaient finalement pas au lieu. Le parcours est ainsi une occasion inédite d’observer à Paris ces toiles, précisément comme l’artiste l’aurait voulu.

 

Mark Rothko, Light Cloud, Dark Cloud, 1957 Huile sur toile © 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko – Adagp, Paris, 2023

Océan de couleurs se mouvant comme des vagues, surfaces qui s’étirent sans fin vers l’infini… Vibrantes, puissantes par leur simplicité, les toiles de Rothko invitent à une exploration des confins de notre imaginaire. C’est par l’extrême dépouillement que Rothko nous conduit, ne serait-ce qu’un instant, loin du vacarme du monde. L’exposition est un ô combien beau voyage qui ravira ceux qui oseront prendre le temps de l’entreprendre.

La Fondation Louis Vuitton

  • Adresse : 8 Avenue du Mahatma Gandhi
  • Code postal : 75116
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 40 69 96 00
  • Site Internet : www.fondationlouisvuitton.fr
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