Oskar Kokoschka. Un fauve à Vienne

Oskar Kokoschka. Un fauve à Vienne

Oskar Kokoschka. Un fauve à Vienne est le nom de la nouvelle exposition qui se tient au musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Fauve ? Oskar Kokoschka (1886-1980) n’appréciait pas d’être réduit à ce genre de qualificatif, préférant de loin celui d’expressionniste. « Je suis expressionniste parce que je ne sais pas faire autre chose qu’exprimer la vie », affirma un jour le peintre viennois. Dans la longue traversée chronologique à travers les œuvres du peintre, on s’aperçoit effectivement que, si le travail de Kokoschka se transforma à plusieurs reprises en fonction des événements de sa vie ou de ses inspirations, sa volonté expressionniste, elle, demeura inchangée jusqu’à la fin de sa vie. Une exposition de prestige à découvrir du 23 septembre 2022 au 12 février 2023.

/// Lolita Fragneau

Le jeune Oskar Kokoschka se tourne rapidement vers l’art, étudiant à l’Ecole des arts appliqués du musée des Arts et de l’Industrie à Vienne en 1904. A l’âge de vingt-cinq ans, il expose pour la première fois à la galerie Paul Cassirer, à Berlin. Il retrouve dans la Sécession viennoise ce rejet de l’art académique qui lui est cher. Ses premières productions sont d’ailleurs extrêmement crues et choquantes pour le public, et il est alors qualifié de « Oberwidling », le plus sauvage d’entre tous. La première salle revient sur les peintures de ses débuts, essentiellement constitués de portraits comme Le Joueur de transe (1909) qui représente l’acteur Ernst Reinhold, un de ses amis. L’aspect psychologique prend le dessus sur le côté réaliste, et les états d’âme sont le centre de l’œuvre expressionniste. Elle fera partie des nombreuses œuvres de Kokoschka à être considérée comme « dégénérée » en 1937.

Oskar Kokoschka, Le joueur de transe (Ernst Reinhold) / Der Trancespieler (Ernst Reinhold),1909, Huile sur toile, 81 x 65 cm, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo J. Geleyns

Le début de la Première Guerre Mondiale correspond à sa rupture avec la compositrice Alma Mahler. Il intègre le régiment des dragons impériaux mais est blessé à la tête et aux paumons, ce qui le contraindra à revenir sur le front qu’en 1916 en tant que peintre de guerre, avant d’être blessé à nouveau. Cette période est peu prolifique pour l’artiste, mais marque un changement dans son travail, désormais imprégné par le traumatisme de guerre. En 1916, il est soigné dans un centre de convalescence à Dresde. Il en profite pour visiter les musées, y recherchant de nouvelles formes d’expression picturale pour « résoudre le problème de l’espace, de la profondeur picturale, avec des couleurs pures, pour percer le mystère de la planéité de la toile ». Les couleurs qu’il utilise alors sont plus intenses et plus lumineuses, les appliquant par une juxtaposition étonnante.

D’autres événements traumatiques comme la mort de son père en 1923 marqueront une césure dans son travail et le conduiront à partir voyager, notamment à Paris et Londres où il peint Londres, petit paysage de la Tamise en 1926. Les thèmes de ses tableaux sont désormais des paysages de ce qu’il aperçoit, et la matière qu’il utilise est plus fluide, la palette élargie par de nouveaux rapports de couleurs et les touches enlevées. Ses grandes difficultés financières le forcent à rentrer à Vienne en 1932.

Oskar Kokoschka, Londres, petit paysage de la Tamise London, kleine Themse-Landschaft, 1926, Huile sur toile, 60,5 x 91 cm, Albertina Museum, Vienne – The Batliner Collection © Fondation Oskar Kokoschka

Sa mère meurt en 1934 pendant la guerre civile de Vienne. Il s’en va alors à Prague où séjourne sa sœur Berta et y rencontre Olda Palkovskà (1915-2004), une étudiante en droit qu’il épousera en 1941. A cette période, la montée du nazisme culmine et Kokoschka fait de son mieux pour mettre en garde ses contemporains pour ses dangers. Ses œuvres sont les premières victimes de cette ascension du fascisme et elles sont toutes décrochées des collections publiques après l’arrivée de Hitler au pouvoir. Certaines sont aujourd’hui encore portées disparues. Son art étant qualifié de « dégénéré », il prend l’expression au pied de la lettre en peignant son fameux Autoportrait en « artiste dégénéré » (1937). Pendant cette période, sa touche décrit une nature luxuriante et un décor bucolique. Telle une provocation lancée aux allemands, ses œuvres n’ont jamais été aussi éclatantes et séduisantes pour un « dégénérés ».

En 1938, il s’exile en Angleterre et acquiert la nationalité anglais seulement neuf ans plus tard. En 1947, une grande rétrospective de son œuvre est organisée à la Kunsthalle de Bâle qui le consacre comme artiste majeur et acteur incontournable de la reconstruction culturelle européenne. A partir de là, c’est la consécration : Kokoschka devient un artiste international, multipliant les rétrospectives aux quatre coins du monde. Ses peintures des dernières années témoignent d’une radicalité picturale proche de ses premières œuvres, dans la crudité sans concession des descriptions et l’urgence de la touche.

Oskar Kokoschka, Autoportrait en « artiste dégénéré », Selbstbildnis eines ‘Entarteten Künstlers’, 1937, Huile sur toile, 110 x 85 cm, National Gallery of Scotland, Édimbourg, En prêt d’une collection particulière © Fondation Oskar Kokoschka

Musée d’Art Moderne de Paris

  • Adresse : 11 avenue du Président Wilson
  • Code postal : 75016
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 53 67 40 00
  • Site Internet : www.mam.paris.fr