Pierre Daquin, Interface

Pierre Daquin, Interface

La Galerie Lazarew accueille du 3 mai au 16 juin l’exposition Interface, présentant une sélection d’œuvres de l’artiste Pierre Daquin.

Pierre Daquin commence à appréhender l’art par le travail minutieux de la tapisserie dès les années 1960. Travaillant déjà sur l’intériorité et l’envers des matières, reflétant les prémisses de ses oeuvres futures, l’artiste s’écarte rapidement de ce qui se fait à l’époque, pour proposer des techniques ambitieuses. Il bouleverse les codes comme il modifie le sort de certains matériaux : le papier kraft, ayant pour utilité première de protéger les pièces artistiques lors de leur transportation, se voit, par exemple, transformé pour devenir une œuvre d’art complexe et structurée.

Une Interface entre la multitude de matières utilisées se crée au travers des mains de Pierre Daquin. Parfois au potentiel insoupçonné et insoupçonnable, les supports industriels qu’utilise l’artiste varient entre caoutchouc, vinyle, bitume et autres éléments maniés sur les chantiers. C’est avant tout par un travail d’expérimentation que l’artiste arrive à relier et à mettre en lien des éléments aussi hétérogènes. S’en résulte une symbiose surprenante dans le relief des textures, parfois déchirées, assemblées, semblant presque tissées comme des tapisseries. S’en ressort une palette de couleurs éclectique où le bleu Klein et le noir sont autant représentatifs de cet univers que des nuances de marrons issues de matières premières. Les tableaux de Pierre Daquin apparaissent alors comme une fenêtre entre la réalité de la pièce et un univers géométrique, où notre regard peut se perdre autant dans les recoins des reliefs que dans la profondeur des teintes.  

Mais lorsque nous sommes face à ses installations sur les murs et sur le sol, ce n’est plus une simple fenêtre qui s’ouvre à nous. Le vinyle utilisé est plaqué et retourné, laissant apparaître deux textures opposées d’un seul matériau, révélant ses envers invisibles. Dans l’esprit d’un tableau de Pierre Soulages, deux différents noirs se confrontent et se répondent : le mat de la face intérieure forme un aplat homogène et compact, la brillance miroitante de la surface extérieure laisse percevoir, tel un miroir, les ombres déambulant dans la galerie. Une sensation semblable à celle d’un mirage émerge : la géométrie des formes noires se déploie sur le mur et voit sa symétrie apparaître sur la surface plane du sol, comme si celui-ci était en fait une couche d’eau qui reflète ce qui la surplombe. Un délicat mystère s’échappe alors de ces installations, l’œil est trompé par ces matériaux simples dont Pierre Daquin transforme l’usage avec complexité et ambition, pour créer une multitude de possibilités. 

 

Texte : Angèle Imbert

 

Crédit Visuel : Pierre Daquin, Vinyle sol-mur, 280 x 420 cm