Rétrospective : au fil de la carrière d’Olga de Amaral 

Rétrospective : au fil de la carrière d’Olga de Amaral 

En accueillant la première rétrospective européenne consacrée à l’artiste colombienne Olga de Amaral, la Fondation Cartier poursuit sa programmation autour des grands noms de l’art extra-occidental. Après Bijoy Jain, Sally Gabori et Graciela Iturbide, c’est au génie de cette artiste de 92 ans que l’institution rend hommage.

 

/// Emma Boutier

 

 

Figure emblématique du Fiber Art, discipline qui utilise les textiles comme matière principale pour la création d’oeuvres, Olga de Amaral a grandement contribué à son essor dans les années 1960, menant à sa reconnaissance en tant qu’art « muséal ».

C’est à l’Académie des arts de Cranbrook, dans le Michigan, que l’artiste se familiarise avec la pratique du tissage. Elle rejoint cette école dans les années cinquante, suite à sa décision de quitter une Colombie alors marquée par la situation socio-politique extrêmement tendue qui favorisa l’émergence des FARC.

Suivant le modèle du Bauhaus de Walter Gropius, Cranbrook promeut une vision holistique de la création, qui vise à dépasser le clivage entre art et artisanat. Dans un contexte favorable à la valorisation du savoir-faire, Olga de Amaral bâtit une oeuvre à la fois exigeante par sa technique et résolument moderniste.

 

 

Tradition et modernisme

Croisant les traditions ancestrales liées à son héritage colombien et les principes de l’abstraction découverts aux États-Unis, son oeuvre est substantielle dans la définition du Fiber Art. Les formes géométriques à la surface de ses compositions laissent transparaître le travail de la matière, qui est tout aussi signifiant.

La vue d’une oeuvre d’Olga de Amaral ne saurait rendre compte de l’immense travail qui la précède. Ses pièces appellent la maîtrise d’une pluralité de techniques telles que le tissage, le tressage, l’entrelacement des fils, et mobilisent un large panel de matières.

Pour la série des Brumas ( « Brumes » ), nuées colorées flottant dans la deuxième salle du rez-de-chaussée, Olga de Amaral a fixé des rangées de fils de coton de longueurs inégales sur des planches de bois. Les fils ont été peints un à un, puis recouverts de gesso afin de le rigidifier. En résultent des formes géométriques aériennes qui transcendent les catégories, situées à la lisière entre sculptures et oeuvres textiles.

 

 

Vue de l’exposition « Olga de Amaral », Fondation Cartier, 2024-2025 © Marc Domage

 

Outre sa technique, Olga de Amaral s’inscrit dans l’art latino-américain en en adoptant l’appréhension collective de la création. Certaines de ses oeuvres les plus monumentales ont été réalisées à l’aide d’autres artisans et artistes, lors de sessions de travail conjoint suivant une répartition des tâches égalitaire.

 

« Je travaille […] avec sept femmes, quatorze mains – sept vies qui insufflent à chaque petit élément la vitalité de la Colombie. À travers ce processus collectif, chaque assemblage d’éléments s’imprègne de l’esprit de chacune de ces vies […] Toutes ces couches de travail et de temps finissent par affecter l’aspect de la surface finale. […] Cette équipe de tisserandes, ce lieu, sont ce qui me relie le plus profondément à mon pays. »,  Olga de Amaral, « La maison de mon imagination ».

 

Le Gran muro, pièce emblématique de sa production, a été réalisé dans la rue, hors de son atelier, à l’aide de dizaines d’assistants. L’oeuvre subsiste aujourd’hui sous une forme fragmentaire, à défaut d’avoir pu bénéficier d’une conservation adaptée, et l’on en retrouve une partie dans l’exposition.

 

 

Vue de l’exposition « Olga de Amaral », Fondation Cartier, 2024-2025. © Cyril Marcilhacy

 

 

Le rapport au territoire

Le lien qu’entretient Olga de Amaral avec l’Amérique latine s’exprime aussi bien dans son processus créatif que dans ses formes. Le territoire habité constitue une dimension essentielle de son oeuvre.

Désireuse de faire apparaitre cet aspect dans l’accrochage, l’architecte Lina Ghotmeh, responsable de la scénographie de l’exposition, a disposé des pierres d’ardoises en regard des oeuvres monumentales qui occupent la première salle. L’enjeu était de restituer le lien unissant les oeuvres aux paysages minéraux de Bogotá. Au sous-sol, les Estelas (« Stèles ») semblent flotter dans la pénombre d’un espace circulaire qui permet au visiteur de les contourner, et ainsi d’apprécier le jeu de reflets offert par la feuille d’or dont elles sont couvertes.

 

 

Vue de l’exposition « Olga de Amaral », Fondation Cartier, 2024-2025. © Cyril Marcilhacy

 

 

L’ancrage dans l’espace des oeuvres d’Olga de Amaral est à la fois concret et spirituel. Ses créations évoquent, par la couleur, le relief et la texture, les forces cosmiques et les éléments naturels, attestant de leur relation profonde avec l’environnement.

Présentées dans une scénographie savamment orchestrée, ces oeuvres resplendissent dans le bâtiment de Jean Nouvel. Elles incarnent avec justesse le courant relativement peu étudié du Fiber Art, tout en affirmant leur singularité. Avec cette rétrospective, la Fondation Cartier confirme la reconnaissance que justifie le travail d’Olga de Amaral, aussi tardive fût-elle.

 

Fondation Cartier

  • Adresse : 261 boulevard Raspail
  • Code postal : 75014
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 42 18 56 50
  • Site Internet : www.fondation.cartier.com
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