Du 9 novembre au 2 décembre 2017, la galerie Seine 51 présente l’exposition collective (still) life réunissant de grands noms de la photographie contemporaine afin de repenser la thématique de la nature morte.
Quel est le point commun entre les photographies accidentées de Jeff Cowen, la sensualité des corps d’Isabel Muñoz, l’approche architecturale de Nicolas Ruel, l’instantanéité maîtrisée des portraits d’André Carrara, l’univers symbolique nippon de Naohiro Ninomiya, ou le regard sur le règne végétal de Jacobo Vargas, si ce n’est leur proximité sur les cimaises de la Galerie Seine 51 ? La galerie, aujourd’hui spécialisée dans la photographie contemporaine, dévoile un indice dans le titre de l’exposition : (still) life.
L’emploi de l’expression anglaise – littéralement « vie silencieuse, vie immobile » – pour évoquer la nature morte n’est pas anodin et permet, contrairement à la locution française, d’insister sur la thématique de la vie – life, idée davantage soulignée puisque le still du titre est mis entre parenthèse. Seulement, n’est-il pas contradictoire d’associer vie et nature morte, de vouloir témoigner de sa contemporanéité ? La vaste histoire de ce genre et les grands noms qui y sont associés, de Chardin à Giorgio Morandi, ne témoignent-ils pas d’un concept galvaudé ?
L’historien de l’art Charles Sterling définit en 1952 la nature morte comme la capacité d’un artiste à « nous imposer son émotion poétique devant la beauté qu’il a entrevue dans ces objets et leur assemblage ». Nous y sommes. Les univers d’apparence éloignés se rejoignent dans cette envie de transmettre une « émotion poétique ».
À l’ère de l’instantanéité de la photographie numérique, ces artistes partagent une lenteur assumée dans le processus de la création artistique. Au fil des œuvres, nous remarquons l’utilisation majoritaire de techniques traditionnelles. Le rapport au tirage est intime, représentant une part essentielle de l’œuvre des artistes. La photographe espagnole Isabel Muñoz tire elle-même ses photographies au platine, technique complexe héritée du XIXe siècle, tandis que le canadien Nicolas Ruel utilise des plaques de cuivre comme surface d’impression. Si Naohiro Ninomiya met en exergue les contrastes du noir et blanc de ses argentiques grâce à un travail au sélénium, Jeff Cowen, quant à lui, travaille directement sur l’image : déchirant, ajoutant de la matière, collant ; nous distinguons les bords, les négatifs de sa Nature morte.
En respectant le temps et sa douce tranquillité, ces artistes nous offrent une pause dans le rythme effréné de nos journées, un arrêt sur image, la possibilité d’un moment de contemplation. De l’artiste japonais Naohiro Ninomiya, contemplez les images épurées et mystiques, à travers ses cascades d’une blancheur immaculée. Déambulez dans les espaces architecturaux de CIME et LOGOS divulgués par Nicolas Ruel. Parcourez le galbe sensuel du corps célébré dans la Série orientale d’Isabel Muñoz. Ressentez la présence intense des fleurs de Jacobo Vargas. L’objectif est atteint : ces « natures mortes » sont bien une célébration de la vie, rêvée par des photographes, témoignant d’une esthétique poétique et enchanteresse du monde qui nous entoure.
Vernissage le jeudi 9 novembre à partir de 18h30.
Texte : Alix Meynadier
Crédit visuel : Naohiro Ninomiya, Hirayuotaki, tirage argentique, 100×80 cm © Galerie Seine 51