Fruit d’une nouvelle collaboration entre le Museum Boijmans Van Beuningen de Rotterdam et la Fondation Custodia, l’exposition « Naissance et Renaissance du dessin italien » réunit un fonds de cent vingt feuilles réalisées entre 1400 et 1600.
/// Emma Boutier
À travers une riche sélection comprenant des noms aussi fameux que Michel-Ange ou De Vinci, le spectateur pénètre les recoins les plus intimes de la création artistique italienne de la Renaissance. En autonomisant les dessins préparatoires des grands tableaux qui leur font de l’ombre, la Fondation Custodia nous fait redécouvrir leurs auteurs sous un jour moins grandiloquent, peut-être plus sincère. Car c’est avant tout dans le dessin, qui préside à la composition picturale, que s’élabore le style de l’artiste.
Le dessin comme étude
L’art de la Renaissance est marqué par un intérêt renouvelé pour les études anatomiques, comme le montre l’exposition où la thématique du corps est très présente, révélant les potentialités expérimentales offertes par le médium. Les différentes postures des corps féminins travaillées par Pisanello indiquent sa dimension empirique : le dessin est pensé comme un moyen pour explorer la représentation du corps. Réalisées d’après modèles, ces encres témoignent d’une grande acuité dans l’observation anatomique, notamment au niveau des muscles dorsaux et jambiers.
Le dessin comme trace
Composée à partir de la collection du Musée Boijmans, la sélection rejoue fidèlement les rapports d’influence qui caractérisent la scène artistique italienne de la Renaissance, en accordant un poids considérable aux trois foyers principaux de la création : Florence, Venise et Rome.
La production florentine est ainsi incarnée à travers treize feuilles de Fra Bartolomeo. Son étude pour Saint-Georges et le Dragon, qui ornait un mur du palais de Francesco del Pugliese à Florence jusqu’à sa destruction en 1778, constitue l’état le plus avancé de cette composition. Ce dessin est d’autant plus précieux qu’il offre une réminiscence d’un projet pictural disparu, qui autrement aurait pu sombrer dans l’oubli.
Le dessin comme étape
Certains dessins susciteront l’image du tableau qu’ils précèdent chez le spectateur averti, lui permettant de retracer tout un processus créatif. L’esquisse n’est autre qu’une des étapes qui composent l’idée picturale, trop vite résumée à son état final en peinture.
Cette étude à la sanguine de Pontormo doit être mise en lien avec le tableau Souper à Emmaüs de 1525. L’évolution entre les deux états de la composition est significative : le disciple de gauche est absent du tableau, tandis que celui de droite est reconnaissable uniquement par ses drapés et son couvre-chef. Sa posture a changé et son livre a été troqué pour un morceau de pain, modifiant le contenu narratif de l’oeuvre.
Il sera plus aisé d’identifier le petit Saint Jean-Baptiste de Raphaël, qui n’a subi que peu d’altérations par rapport à son évolution picturale dans la Madone d’Alba de 1510. Ceci témoigne de l’aboutissement du dessin exposé, ainsi que de l’importance accordée par l’artiste à cet élément de la composition finale.
Étude, trace ou étape, le dessin mérite ses lettres de noblesse. En mettant la focale sur ce médium peu célébré, l’exposition nous fait prendre conscience de la véritable étendue de la création artistique. Bien souvent seul à connaître la gloire des cimaises, le tableau n’est que le fruit d’une longue maturation mise en images.
Fondation Custodia
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