La galerie L’oeil du huit présente du 22 mai au 3 juin l’exposition Encadreurs Encadrés, un hommage à Yvon Taillandier.
De 1984 à 2007, Yvon Taillandier s’unit à de nombreux artistes, tels que Julia Keiko ou Michel Dambrine, dans le projet Encadreurs encadrés, période que l’exposition souhaite mettre en avant. Le but est que deux personnes s’associent, l’un créé la toile et laisse une bordure blanche, tandis que l’autre l’encadre à sa guise, puis les rôles s’inversent. Dans un esprit d’assouplir la création, « chacun [joue] à son tour le rôle de l’environneur et de l’environné, du protecteur et du protégé, comme dans la vie, tantôt ce qui nous entoure nous aide, tantôt nous aidons ce qui nous entoure. » Le groupe montre par cet exercice la force qu’apporte le relationnel de façon générale, ou plus précisément l’union dans l’art, et que l’alliance de plusieurs pinceaux ne fait qu’accroître la richesse de l’oeuvre.
L’exposition permet de plonger dans le Taillandier-land, où nous retrouvons ses personnages totémiques, à l’anatomie disproportionnée et enjouée. Ceux qu’il nomme les «capitipèdes» sont façonnés d’une grosse tête uniquement soutenue par des bras et de courtes pattes. Dans un récit divertissant, certains s’occupent à conduire des machines ou à cracher encore plus de personnages, tandis que d’autres se contentent simplement d’exister. Les tuyaux qui les relient entre eux dans un ensemble labyrinthique renvoient à cet esprit relationnel sur lequel les Encadreurs encadrés insistent. Pendant que les uns se tiennent aux autres, empiètent ou s’écrasent, certains émergent de l’organe d’un premier. Tout est lié directement ou indirectement, dans une relation de succession, de conséquence ou de dépendance. Ces traits interminables sont solidifiés par la couleur qu’ils englobent et qui leur permet de tenir, comme s’ils avaient besoin de leur soutien pour figurer les formes. La dépendance des choses entre elles ne freine pourtant pas la liberté que ses oeuvres dégagent : c’est justement ce que Yvon Taillandier appelle la «figuration libre».
Renoncer à l’égoïsme du peintre – voilà le rôle de l’art figuratif libérateur. La liberté n’est plus seulement dans l’acte de créer, comme le reflètent ses personnages fantasmagoriques, mais également dans celui de contempler. Si Yvon Taillandier ne se pose aucune limite pour dans la représentation de cet empire qu’il gouverne, nous devons faire de même et laisser notre regard sur ses oeuvres nous porter vers un monde imaginaire.
Texte: Marilou Mercier
Visuel: Yvon Taillandier, Automobiles, 2000, acrylique sur toile, 81 x 100 cm