Chen Jiang-Hong, accueillir l’inattendu

Chen Jiang-Hong, accueillir l’inattendu

Ouvrant sa première galerie en 1969 à Tokyo, Kiyoshi Taménaga s’active depuis lors à montrer quelques-uns des plus grands modernes occidentaux – Picasso, Dufy, Utrillo ou Van Dongen, pour ne citer qu’eux. Depuis quelques années, la galerie fait résonner en harmonie ces mêmes peintres et quelques pépites de l’art asiatique contemporain, montrant ainsi sur ses cimaises parisiennes un Bernard Buffet avoisinant un Takehiko Sugawara. Dans son espace de l’avenue Matignon, elle présente les 34 dernières toiles de Chen Jiang-Hong, réalisés au printemps dernier. Contexte oblige, l’artiste abstrait admet avoir eu « plus que jamais besoin de couleurs », et ajouté du vert lagon à sa palette d’ordinaire faite de noir, d’ocre, de bleu et de rouge. 

/// Emma Noyant

Sans appartenir à une religion particulière, Chen Jiang-Hing, né en 1963 à Tianjin, en Chine du nord, a toujours été persuadé « qu’il y a quelque chose au-dessus de nous ». Mais comment rendre en peinture ce qui, par définition, est intangible ? Comment traduire l’intraduisible, un au-delà des choses, invisible ? En accueillant l’inattendu, semble répondre le peintre, qui se dit héritier du style pictural du xieyi, signifiant « écrire l’idée », et consistant en une exécution instinctive, irréfléchie. Pour ce faire, encore faut-il maîtriser parfaitement la peinture. Apprendre d’abord, pour s’oublier ensuite. Aussi, Chen Jiang-Hong a-t-il suivi un enseignement solide, au sein des prestigieuses écoles des Beaux-Arts de Tianjin et de Pékin, puis aux Beaux-Arts de Paris, lorsqu’il arrive dans la ville Lumière en 1987, alors âgé de 24 ans. Éminemment lyrique, cette œuvre de sens est le fruit d’une gestuelle aguerrie répondant au commandement d’un esprit de poète, transcendé par « quelque chose » qui le dépasse. Sans se laisser entraver par la forme, la peinture de celui qui se dit modestement « passeur » incarne la conquête d’une essence, celle qui rassemble l’homme et le monde dans la même unité.

Faisant preuve d’un sens aigu de l’espace et de la lumière, Chen Jiang-Hong attaque ses toiles à même le sol. Par l’amplitude de ses gestes, il travaille dans un espace ouvert, non circonscrit. Les formats choisis, monumentaux pour la plupart, se font aussi l’écho de sa volonté de voir grand. À la manière d’un Pollock, l’accident contrôlé, la trace de l’action du peintre et la matérialité de la peinture, forment les caractéristiques essentielles de sa pratique.

De même que cet effacement quintessencié qu’induit l’abstraction lyrique a quelque chose de la peinture abstraite française d’après-guerre, celle de Mathieu entre autres, où le geste engendre un graphisme libre et expressif. Et à ce travail du geste, le matériau ajoute le sien : délayée à l’essence de térébenthine, l’huile sous le large pinceau de Chen Jiang-Hong a la fluidité de l’encre dont les calligraphes chinois font usage, et permet une infinité de nuances de matité et de transparence dans le rendu. Au carrefour des influences, cette peinture est celle d’un homme qui, après avoir longuement interrogé la frontière de la figuration et de l’abstraction, a, de toute évidence, trouvé dans l’abstraction pure une universalité éloquente. Pour lui qui n’est d’aucun pays, ou peut-être de tous à la fois, lui qui se voit avant tout comme un citoyen du monde. Incontestablement, ces espaces lyriques irriguent notre imaginaire. Ils ouvrent notre regard à la perception d’univers a priori insoupçonnés, qui sont en fait en chacun de nous. Et pour preuve de cette liberté d’appropriation que nous laisse Chen Jian-Hong dans son art, aucun titre n’est donné à ses toiles.


Galerie Taménaga

  • Adresse : 18 avenue Matignon
  • Code postal : 75008
  • Ville : Paris
  • Pays : France
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