Du 15 septembre 2017 au 8 avril 2018, à l’occasion de l’exposition « L’art du pastel, de Degas à Redon », le Petit Palais présente les pièces maîtresses de sa collection de pastels. Une aubaine pour admirer des pastels rarement exposés, parfois inédits. Les œuvres des célèbres Berthe Morisot, Paul Gauguin, Mary Cassatt ou encore Edgar Degas côtoient celles d’artistes moins courus, mais tout aussi talentueux.
D’emblée, le terme « pastel » présage une tension entre le matériau – des couleurs broyées qu’on agglomère pour former une pâte, et le résultat annoncé par le « –el » plus doux : une fois déposé sur un support, le pastel s’arrache à sa trivialité et offre un effet céleste, délicat et insaisissable. À la jonction entre dessin et peinture, le pastel périme la querelle des poussinistes et des rubénistes, car il permet de réaliser simultanément les deux actes. Les manières de l’exploiter sont très hétérogènes : traits hachurés ou touches juxtaposées, tracé vigoureux ou estompé, couches épaisses ou très fines, couleurs pures ou bien mélangées.
Prenant à l’assaut ce beau médium, le Petit Palais réussit son hommage. L’exposition propose d’élargir notre connaissance du pastel, souvent restreinte à la production de l’« âge d’or », le XVIIIe siècle. Pourtant, la pratique survit et rayonne aussi dans la seconde moitié du XIXe siècle, comme le prouve les 130 pastels issus des réserves du Petit Palais et sélectionnés pour l’occasion. Le choix d’une scénographie thématique, cloisonnant dans des pièces différentes les grands courants artistiques dont les tenants usèrent du pastel, permet de dévoiler leurs singularités : les Naturalistes, les Impressionnistes, les tenants d’un pastel mondain, et enfin – moment phare de l’exposition – les Symbolistes.
Sur une cimaise, une formule de Joris-Karl Huysmans guide nos découvertes : « Le pastel a une fleur, un velouté, comme une liberté de délicatesse et une grâce mourante que ni l’aquarelle, ni l’huile ne pourraient atteindre. ». Cette grâce mourante, c’est aussi le « frémissement de l’instant dont elle a été faite et dont le prix vient justement du fait qu’il ne reviendra plus », décrit si justement par Jean Clair dans le chapitre « Eloge du pastel » de Considérations sur l’État des Beaux-Arts. Par sa fragilité, le pastel saisit l’instant éphémère et transitoire, voué à disparaître : la fugacité d’une atmosphère, les variations de la luminosité, mais aussi les reflets de l’eau ou le chatoiement de la neige fraîche, comme dans les toiles des paysagistes Léon Clavel (plus connu sous son pseudonyme Iwill) ou Alexandre Nozal. Dans la section du pastel mondain, la multitude des portraits officiels et des nus féminins manifestent combien le pastel permet de restituer les chairs, l’éclat et le velouté des carnations, ou la grâce des corps féminins.
Enfin, l’exposition s’achève sur les œuvres symbolistes. L’attirance qu’a exercé le pastel sur ces artistes, inhérente à sa nature délicate et insaisissable, n’est pas anodine. Son aspect vaporeux matérialise les rêves, et traduit une certaine esthétique mystique. Une place de choix est réservée à Odilon Redon, mais aussi au tableau vedette de Charles-Lucien Léandre Sur champ d’or, judicieusement choisi comme affiche de l’exposition.
Texte : Alix Meynadier
Crédit visuel : Charles-Lucien Léandre, Sur champ d’or, Pastel, 1897 © Petit Palais / Roger-Viollet