Füssli : le Shakespeare de la toile

Füssli : le Shakespeare de la toile

Artiste à la fois dénigré et acclamé, le peintre suisse Johann Heinrich Füssli (1741-1825) se distingua par un refus total de se conformer au goût de son époque, très en marge des attentes académiques. Oublié pendant un temps en France, il redevient une figure emblématique au XXe siècle en devenant source d’inspiration pour les Surréalistes, puis pour l’heroic fantasy au début du XXIe siècle. Du 16 septembre 2022 au 23 janvier 2023, le musée Jacquemart-André accueille une belle rétrospective lui rendant hommage intitulée Füssli, entre rêve et fantastique.

 

/// Lolita Fragneau

 

Füssli, peintre doté d’une personnalité atypique, était un de ces individus insatiables de savoir, curieux de toutes choses, et avec un appétit intellectuel vorace. Il commença par être pasteur en 1761 avant de s’orienter par la suite vers une carrière plus artistique. Peintre autodidacte, il se passionne pour une iconographie fantastique, mêlant à la fois le Sublime et personnages mystérieux dans une sorte d’inquiétante étrangeté qui ne cessa de surprendre – mais aussi fasciner – ses contemporains. La première salle de l’exposition s’emploie ainsi à transmettre le caractère éclectique et contrasté du peintre en présentant notamment son Autoportrait (1780-1790) réalisé par pierre noire et par rehauts de blanc, traduisant la vision personnelle que Füssli avait de lui-même. L’égo de l’artiste y est parfaitement visible : entre le regard, le nez proéminent et le front, il dépeint aux yeux de tous le génie dont il s’auto-proclamait.

 

Johann Heinrich Füssli, Autoportrait, 1780 –
1790, pierre noire sur papier, 27 x 20 cm, Victoria and Albert Museum, Londres © Victoria and Albert Museum, London

La suite du parcours illustre les thématiques qui ont accompagnées Füssli tout au long de sa carrière. L’artiste étant reconnu comme ayant été un grand féru de théâtre, c’est sans surprise que la première section s’attarde sur la représentation shakespearienne dans son œuvre.  A son arrivée à Londres en 1764, il fréquente assidument le théâtre, lieu où il apprend la langue anglaise mais aussi où il a le privilège de pouvoir étudier la mise en scène des sentiments et des passions. A cette époque, Shakespeare est très régulièrement joué sur la scène londonienne, et Füssli s’inspire grandement de la gestuelle des comédiens, mais aussi de leurs mimiques ou des jeux de lumières produits sur scène. Il est alors associé à un « Shakespeare on canvas » (trad. : Shakespeare de la peinture, cf interview de Pierre Curie – commissaire de l’exposition). La pièce Macbeth (1623) – une des plus représentées à son époque et toujours autant populaire – fût un des sujets de prédilection de Füssli, insufflant des œuvres travaillées de manière sérielle comme pour Lady Macbeth saisissant les poignards (1812).

Une autre section se penche sur les sources d’inspirations érudites qui ont influencé l’œuvre du peintre. Füssli était un fin connaisseur de mythologie grecque et romaine, et s’intéressait notamment à l’œuvre de Homère comme l’exprime Achille saisit l’ombre de Patrocle. Il a aussi manifesté de l’engouement pour l’imagerie biblique et les mythes nordiques, ainsi que le poème épique Paradis perdu du poète anglais John Milton (1608 – 1674) qui fût pour lui une grande source d’émanation artistique.  

 

Lady Macbeth Seizing tJohann Heinrich Füssli, Lady Macbeth saisissant les poignards, 1812, huile sur toile, 101,6 x 127 cm, Tate Britain, Londres,

Changement de salle, changement d’ambiance : une scénographie d’un rose stéréotypé laisse place aux femmes dessinées par Füssli. A la fois fantasmées, dominatrices, et protectrices, les femmes étaient un sujet de prédilection. La chevelure surtout, emblème de puissance, motive les réflexions artistiques et vient sublimer le sujet.

Enfin, deux salles à la thématiques à la fois similaires et opposées viennent clôturer cette rétrospective, ramassées sous l’aphorisme 231 de l’artiste : « les rêves sont l’une des régions les moins explorées de l’art ». D’abord le cauchemar, ce moment du sommeil où peut paraître le surnaturel sans anormalité, est le lieu de tous les possibles où créatures hybrides et personnages étranges peuvent cohabiter dans une atmosphère inconfortable et excitante. Le rêve n’est pas si éloigné du cauchemar : il est le prétexte pour faire surgir cette esthétique de l’imaginaire qui est chère à Füssli. Sur les toiles de la dernière salle, les créatures cauchemardesques laissent place aux fées et autres motifs légendaires, concluant l’événement avec merveilleux et fantasmagorie sublime.

Johann Heinrich Füssli, Le Cauchemar, après 1782, huile sur toile, 31,5 × 23 cm, The Frances Lehman Loeb, Art Center, Vassar College, Poughkeepsie, New York, photo : Frances Lehman Loeb Art Center

Musée Jacquemart-André

  • Adresse : 158 boulevard Haussmann
  • Code postal : 75008
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 45 62 11 59
  • Site Internet : www.musee-jacquemart-andre.com
icon-car.pngFullscreen-Logo
Musée Jacquemart-André

chargement de la carte - veuillez patienter...

Musée Jacquemart-André 48.875100, 2.315420