Pour la 59ème édition de la Biennale de Venise, Cecilia Alemani, commissaire générale de l’exposition a mis en lumière les femmes artistes, et notamment les femmes surréalistes. Cette année, la Biennale, emprunte son titre à un conte écrit par l’artiste surréalise, Leonora Carrington. Ce conte, intitulée comme la biennale, « Le lait des rêves », décrit un monde magique où la vie est constamment réimaginée à travers le prisme de l’imagination, et où tout le monde peut être transformé pour devenir quelque chose ou quelqu’un d’autre. C’est précisément ce que nous allons voir avec une sélection d’œuvres crées majoritairement par des femmes (80 % des artistes présentées).
/// Tania Sanabria
Remportée d’un an à cause de l’annulation de l’édition 2021 due à la pandémie du Covid 19 ; la Biennale s’articule autour de trois axes thématiques d’actualité: La représentation des corps et leurs métamorphoses, la relation entre les individus et les technologies et le lien entre le corps et la terre.
Pavillons des nations et expositions centrales de la biennale offrent au spectateur un vaste choix pour s’échapper à la création moderne et contemporaine.
Le pavillon central de la Biennale au Giardini ouvre le parcours de l’exposition avec la sculpture de taille réelle d’un éléphante de l’artiste allemande Katharina Fritsch. Dans son symbolisme, l’éléphant reprends les vestiges des fables de grandeur, d’intellect, de mémoire, de captivité et des sociétés matriarcales. C’est cette figure matriarcale de l’éléphant qui marque le ton pour la suite de l’exposition qui en lumière un grand nombre d’artistes surréalistes, reconnues aujourd’hui grâce à la réécriture de l’histoire des femmes artistes, réduites à leur époque au titre des muses ou des artistes mineures.
Le choix que Cecilia Alemani a réalisé est émouvant et exceptionnellement florissant. Dans la partie plus historique de l’exposition, intitulée The witch’s craddle, ou Le berceau de la sorcière, des femmes avant-gardistes et surréalistes dont la plus part des œuvres ont été conçues à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale et pendant la Guerre. Leurs œuvres révèlent des univers très personnels où le fantastique côtoie souvent la figure féminine dans les mondes mistiques et mythologiques.
Pour certaines d’entre elles, l’exile a été le choix à une existence créative, tel est le cas de: Leonora Carrington, Remedios Varo ou Alice Rahon, qui ont choisi le Mexique pour s’y installer. Pour d’autres artistes comme Florence Henri, Claude Cahun ou Ida Kar, la photographie a participé activement à leur langage féministe.
F. Henri a utilisé l’appareil photographique pour fragmenter le corps jusqu’à devenir une abstraction des signes ; C. Cahun a utilisé le médium photographique pour exister en tant qu’une figure androgyne fidèle à elle-même et I. Kar a construit une pratique photographique visant à renverser toutes les hiérarchies sémantiques des objets qu’elle photographiait.
Le pavillon central au Giardini comme à L’Arsenal s’articule d’œuvres d’artistes contemporaines confirmés et de nombreux artistes modernes à redécouvrir. Une sculpture de Simone Leigh, qui occupe le pavillon des États Unis ouvre aussi l’exposition centrale de l’arsenal entournée des gravures et peintures de l’artiste cubaine Belkis Ayón. Au cours des salles où des nombreuses découvertes artistiques assurent le succès de cette édition. Nous y découvrons les dessins sculpturaux de l’artiste chilienne Sandra Vásquez de la Horra et de sa compatriote, la chanteuse disparue, Violeta Parra avec ses broderies historiées: songs that paint themselves.
Les costumes de la danseuse Lavinia Schulz et son mari Walter Holdt, qui avaient créé dans les années 20’s une type de danse moderne accompagnée des costumes expressionnistes inspirées des mondes animaux et végétaux.
Ces exemples sont juste un aperçu de la richesse de cette 59ème biennale d’art à Venise, qui présente le travail de 213 artistes originaires de 53 pays réunissant des œuvres d’art issues de différentes régions et mouvements à partir du XIXème siècle jusqu’à notre époque. Pour reprendre les mots de C. Alemani, « le discours de cette biennale sert comme un point de départ pour la réflexion critique traçant des généalogies alternatives et des affinités reliant le passé et le présent ».
Trois exposition coup de cœur à ne pas manquer :
Pavillon Danois :
« We walked the earth » d’ Uffe Isolotto.
Le pavillon danois présente une installation intitulée « We walked the earth » de l’artiste Uffe Isolotto. L’installation traite le thème de la mutation, avec un couple de centaures (mi humains- mi chevaux). Les sculptures hyperréalistes sont mis en scène à l’intérieur d’une ferme-maison, un espace qui peut accueillir la vie, comme la mort. Les personnages Ying et Yang sont dans deux moments de mutation. La femme centaure est en train de donner naissance tandis que le male vient de se pendre. Deux émotions très profondes accompagnent l’action de ces deux personnages : d’un côté nous sommes en face à l’espoir, de l’autre à la désolation. L’installation invite le spectateur à plonger sur une réflexion sur la vie et la mort, sur la transition que nous, comme êtres humains avons à parcourir sur terre.
Pavillon du Kosovo :
« The monumentality of everyday » de Jakup Ferri
Le pavillon du Kosovo avec l’installation « The monumentality of everyday » de l’artiste Jakup Ferri est un vrai souffle d’air frais et de couleurs. Ce sont des broderies tapisseries et dessins de l’artiste, présentés dans un intérieur ludique, coloré et monumental. Jakup Ferri, est né en 1980 dans la ville de Prishtina, un endroit complètement écarté du marché de l’art. Son travail tire inspiration des dessins d’enfants, de l’art naïve et folklorique ainsi que de l’outsider art. Le choix de ses supports (tapisserie, broderie) vient précisément d’une réflexion sur l’importance du textile dans l’œuvre des artistes outsiders ou naïfs. Ses compositions sont des scènes surréalistes dans lesquelles, personnages, animaux, enfants et saltimbanques, souvent au milieu des architectures utopiques réalisent des activités ordinaires de la vie quotidienne. La source chromatique dans l’œuvre de Ferri provient des couleurs vectorielles des anciennes télévisions. Pour le tissage de ses textiles, Ferri travaille avec des femmes d’Albanie, Kosovo, du Burkina Faso et de Suriname, il considère l’art textile comme une technique de construction communautaire.
« A storm is blowing from paradise » d’ Oscar Murillo
En parallèle de la Biennale, il faut pas manquer de visiter l’exposition « A storm is blowing from paradise » de l’artiste colombien Oscar Murillo, à la Scuola Grande della misericordia. Cette exposition de taille monumentale dans l’ancienne école de dévotion et charité des flagellants de Venise, présente des peintures récentes au même temps que des peintures de sa série « Frequencies » réalisées en collaboration avec des étudiants de 10-16 ans de 350 écoles du monde entier. Initié en 2013, « Frequencies » invitait des étudiants à dessiner et intervenir sur une toile vierge raccordée au pupitre de chaque étudiant pendant une période de six mois, résultant ainsi une accumulation des récits conscients et inconscients de chaque individu. Murillo utilise comme support des toiles à dessins graphiques issues du projet « Frequencies » pour réaliser des peintures de grand format au pastel gras. Les toiles de Murillo sont imprégnées d’une puissance gestuelle qui réunis à la fois sa force créative et celle des étudiants.
Du 23 avril au 25 septembre, de 11h à 19h (dernière admission 18h45) ; du 27 septembre au 27 novembre, de 10h à 18h (dernière admission 17h45) ; Salle de l’Arsenale uniquement, jusqu’au 25 septembre : vendredi et samedi horaires prolongés jusqu’à 20h (dernière entrée à 19h45).
La Biennale de Venise
- Adresse : C. Giazzo
- Code postal : 30122
- Ville : Venise
- Pays : Italie
- Tel : +390415218711
- Site Internet : http://www.labiennale.org/