Après le succès fou de l’exposition Hip Hop 360 dont l’ambition était de retracer quarante ans de l’histoire du mouvement underground, la Philharmonie de Paris – musée de la Musique – prend une tout autre direction pour sa dernière exposition annuelle. Musicanimale. Le grand bestiaire sonore s’attache à mettre en avant la biodiversité en insistant sur la place de l’animal dans l’art, mais aussi en le mettant en lien avec les sonorités et la musique. L’événement est à découvrir du 20 septembre 2022 au 29 janvier 2023 pour le plus grand plaisir des petits et des grands.
/// Lolita Fragneau
« En 50 ans, 50 % des sons du vivant auraient disparu, ne devient-il pas crucial d’écouter et de capter ces chants, et plus largement de contribuer à la prise de conscience sur la nécessité de préserver le vivant dans sa diversité ? » C’est à partir de ce constat que l’envie de mettre à l’honneur la faune s’est développée pour la Philharmonie, officiellement engagée pour la protection de la nature depuis l’exposition Salgado Amazonia de 2021. Musicanimale fait entendre au visiteur les sons d’une quarantaine d’espèces : vocalises d’oiseaux, stridulations d’insectes, chants mélodiques de baleines, improvisations miaulées, hurlements chorals de loups écoutable grâce au casque audio fourni à l’entrée du musée.
150 œuvres et objets d’art sont présentés pour montrer combien ils fascinent et inspirent : que ce soit par les instruments créés dans l’optique d’imiter les bruits d’animaux – les appeaux – mis à disposition pour le visiteur, ou que ce soit à travers l’opéra classique tel que La Flûte enchantée de Mozart ou le célèbre conte des frères Grimm Musiciens de Brême, donnant à voir le lien entre homme et animal de manière poétique.
Ouvert par un grand concert d’oiseaux, le parcours de l’exposition est rythmé par un abécédaire qui se concentre sur le règne animal ou certains objets emblématiques, la lettre E renvoyant donc à l’escargot lorsque le Z conduit à la zoomorphie. Loin d’être un simple exposé rébarbatif et rebutant, l’exposition sensibilise à la question de l’écologie par des moyens intrigants et déroutants : quoi de mieux que l’art contemporain pour exprimer les problématiques actuelles qui préoccupent la population ? Les œuvres, toutes plus singulières et originales les unes que les autres, sont plongées dans un parcours immersif et sonore qui ne cesse de ramener le visiteur à une nature primaire.
Parmi les plus saisissantes, on retient la section consacrée aux insectes : ceux-ci sont donnés à voir à travers les vitrines grâce au prêt du Museum d’Histoire Naturelle, mais aussi à entendre. Les compositions de musiciens comme Rimski-Korsakov à Miles Davis sont mises en parallèle, laissant entendre l’identité sonore propre de l’insecte mélangée à de la musique classique dans un amalgame surprenant. On remarque aussi le génie de certains artistes présentés comme le collectif Tout/reste/à/faire qui réalisent des sculptures à l’aide des corps d’instruments, comme c’est le cas pour l’œuvre Mégapomponia Merula [Cigale géante de Bornéo] (2018-2019).
Certaines installations ont été créé spécifiquement pour l’exposition. Dans la section Nuit, l’audionaturaliste Fernand Deroussen plonge le visiteur dans le noir reconstitué de trois nuits sonores : l’une dans les plaines de la Drôme, l’autre dans la brousse du Kenya, la dernière dans la forêt amazonienne de Guyane, toutes composant des paysages sonores d’une poésie vibrante.
Les commissaires de l’exposition et Olivier Mantei – directeur général de la Philharmonie de Paris, sont d’accord pour énoncer que « réintroduire l’homme dans la symphonie du vivant, c’est affirmer enfin qu’il peut y avoir une interaction musicale entre humains et non-humains, et contourner ainsi les conceptions occidentales séparant les deux règnes. » L’écoute apparaît bien là comme le premier pas vers la connivence entre la faune et l’humain.