/// Nora Djabbari
Derrière chaque mythe religieux fondateur se cache une femme qui en a sculpté l’histoire. Pour explorer les différentes facettes de la féminité, on peut se plonger dans ces récits qui nous aident à mieux comprendre toute l’humanité. C’est peut-être là toute la subtilité du travail de Pannaphan Yodmanee, talentueuse artiste thaïlandaise, qui jongle entre sa culture et celle de l’occident pour nous offrir une réflexion sur le multiculturalisme. Lauréate du grand prix de la Biennale de Bangkok, elle a également participé à la Biennale de Lyon. L’artiste peut déjà se targuer d’avoir conquis un public international. Ses œuvres figurent notamment dans les collections du Singapore Art Museum, à la Gallery of Modern Art à Brisbane ou encore au Beness Art Site de Naoshima.
Née en 1988 à Nakhon Si Thammarat, dans le sud de la Thaïlande, Pannaphan Yodmanee puise ses premières inspirations artistiques dans des leçons prodiguées au temple de Wat Ka Pied. Là bas, elle apprend la peinture, la restauration des murs de temple et se gorge d’inspirations bouddhistes qui continuent encore d’imprégner son œuvre aujourd’hui. Cette exposition signe son premier solo show dans une galerie européenne. Si l’artiste, férue d’installations est plus habituée aux grands formats, cette fois, l’exposition “Origines” met en valeur toute une série de moyens à petits formats. Un défi. Ces œuvres récentes représentent avec panache et audace des scènes phares de l’histoire de l’art. On pourra apercevoir une Ève sortie de la Genèse, croquant sournoisement sa pomme ou Pandore ouvrant sa jarre.
Pannaphan Yodmanee, experte du détail, transpose ses représentations avec de la peinture acrylique sur du ciment préalablement poncé, du bois ou du lin. Cette démarche artistique unique donne naissance à des figures voluptueuses, tranchant avec la minéralité brute de leur support. Un mariage harmonieux entre l’élégance picturale et la robustesse de la matière, révélant un style atypique. Pannaphan Yodmanee maîtrise l’art du trompe-l’œil à travers sa technique de superposition, créant des œuvres qui, en apparence de collages, constituent une métaphore visuelle conceptuelle évoquant les rencontres et les disparitions des cultures qui rythment notre monde mondialisé. En superposant des couches et en décomposant les corps, c’est des strates de spiritualité et d’histoire qu’elle dégage, dans un mouvement quasi anthropologique. Le visiteur a ainsi accès à des récits narratifs riches, captivants et envoûtants.
Une influence traditionnelle est visible derrière l’extrême raffinement de ces faïences bleues, mais aussi dans l’allusion constante de la mort, omniprésente dans chaque tableau. On pense à la notion d’impermanence, principe central du bouddhisme qui souligne le caractère éphémère de la vie et la mutation de toute chose, et du même coup à la grande tradition occidentale de la nature morte associée à la maxime du memento mori. Avec ses peintures murales, Pannaphan Yodmanee fusionne l’Orient et l’Occident pour nous plonger dans les premiers temps, questionnant avec force la place des croyances religieuses dans un monde qui se vide du sacré.
Galerie Sarto
- Adresse : 89 rue de Lille, 3 Rue de Solferino
- Code postal : 75007
- Ville : Paris
- Pays : France
- Site Internet : https://www.sartoart.com/
