« Présences arabes – Art moderne et décolonisation – Paris 1908 -1988 » au Musée d’Art Moderne de Paris

« Présences arabes – Art moderne et décolonisation – Paris 1908 -1988 » au Musée d’Art Moderne de Paris

L’exposition « Présences arabes – Art moderne et décolonisation – Paris 1908-1988 » au Musée d’Art Moderne de Paris aspire à renouveler la perspective historique sur les scènes artistiques arabes, souvent méconnues en Europe. Elle met en avant la diversité des modernités arabes au XXe siècle à travers un riche corpus de plus de 100 artistes et 200 œuvres, traçant l’évolution de l’art moderne arabe dans le contexte d’un siècle d’histoire politique.

La relation des artistes arabes avec Paris est éclairée par de nombreuses archives sonores et audiovisuelles historiques, souvent inédites. Une exposition ambitieuse à découvrir jusqu’au 25 août.

 

 

/// Romane Lamisse

 

 

Jewad Selim, Alqailoula,1958 – Mathaf, Arab Museum of Modern Art, Doha, Qatar © Estate Jewab Selim – « Présences Arabes » © Musée d’Art Moderne

Selon un parcours chronologique divisé en quatre chapitres, l’exposition débute en 1908 avec l’arrivée du poète et artiste libanais Khalil Gibran à Paris, et se termine en 1988, avec la première exposition consacrée à des artistes contemporains arabes, Singuliers : bruts ou naïfs, à l’Institut du Monde Arabe. L’évolution des démarches plastiques exposées est avant tout comprise en prise avec les tensions sociales de leur temps.

 

La « Nahda » : entre renaissance culturelle arabe et influence occidentale : 1908-1937.

L’exposition s’ouvre avec le moment historique de la Nahda, un mouvement de renaissance civilisationnelle, intellectuelle et politique du monde arabe face à la domination occidentale. Depuis les écoles d’art et la presse, le mouvement part d’Egypte, dès la fin du XIXe siècle, puis s’étend au Liban et à l’Algérie.

Après l’indépendance de leur pays en 1922 et une formation aux techniques académiques et modernes en France, ces artistes prennent conscience de leur singularité culturelle. Ils témoignent de leur fierté pour leur passé pharaonique de l’Egypte : Sphinx, Déesse Isis et hiéroglyphes se déclinent dans les œuvres.

La synthèse entre cette formation française et une iconographie traditionnellement égyptienne se voit tout particulièrement sur Arous el-Nil (La Fiancée du Nil) de Mokhtar de 1930. Cette sculpture aux formes simplifiées, représente une femme nue parée de bijoux et appuyée sur un socle sculpté de hiéroglyphes. Les principes esthétiques de la modernité parisienne, tels que la synthétisation des formes, sont ici au service de l’affirmation de l’identité égyptienne.

Cette « ambiguïté » dans le parcours des artistes, formés dans les écoles d’art coloniales dont ils contestent l’enseignement, tout en vivant à Paris où le colonialisme s’exprime publiquement, s’inscrit aussi dans un contexte historique et artistique de grandes expositions dites universelles, dont la plus importante, l’Exposition coloniale de 1931, incluent des artistes issus des pays colonisés.

 

 

Mahmoud Mokhtar, Arous el-Nil ou La Fiancée du Nil, vers 1929 Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat – « Présences Arabes » © Musée d’Art Moderne

 

Adieu à l’orientalisme : les avant-gardes contre-attaquent.
À l’épreuve des premières indépendances (Egypte, Irak, Liban, Syrie) 1937-1956

 

Le mouvement du « cosmopolitisme arabe », selon Morad Montazami un des commissaires de l’exposition, amène les artistes arabes à s’approprier des principes de l’art moderne, en particulier de l’abstraction, pour exprimer leurs préoccupations esthétiques. Ce phénomène est renforcé par la multiplication des salons modernistes parisiens qui mettent en avant l’abstraction et qui accueillent les artistes arabes.

C’est dans ce contexte qu’à partir des années 1950, se développe l’Hurufiyya qui pense et intègre la lettre calligraphiée comme mouvement dans des compositions abstraites.

 

 

Jamil Hamoudi, Composition abstraite sur le nom “Dorival”, 1951, Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Bertrand Prévost – « Présences Arabes » © Musée d’Art Moderne

 

Décolonisations : l’art moderne entre local et global.
À l’épreuve des deuxièmes indépendances (Tunisies, Maroc, Algérie), 1956-1967

 

Cette troisième partie de l’exposition est consacrée aux effets des décolonisations dans le développement de l’art arabe.

Après les indépendances, la question de la mémoire et de l’héritage artistique devient brûlante pour les artistes du Maghreb car la colonisation avait soumis toute expression culturelle locale à une image « indigène ». En résistance au phénomène d’oubli, les artistes nord-africains entament un travail profond de réhabilitation culturelle. La décolonisation est l’occasion d’écrire leur propre récit de la modernité, selon leurs termes et conditions. L’accent sur les traditions locales permet aux artistes de situer leur travail dans une diversité de récits de l’art moderne.

Dans le même temps, la réappropriation des pratiques modernes, issues des pays occidentaux, devient un enjeu d’émancipation aux stéréotypes coloniaux, de telle sorte que l’art moderne arabe se mondialise. Les expositions à Paris, comme la Biennale des jeunes artistes, reflètent cette nouvelle dynamique, faisant ainsi du Musée d’Art moderne, qui accueillait la manifestation, la première institution française d’envergure à reconnaître l’art de ces artistes. Cette intégration de l’art arabe ne se faisait malgré tout pas sans contradictions.

 

 

Fahrelnissa Zeid, Composition, 1950, © Paris Musées / Musée d’Art Moderne – « Présences Arabes » © Musée d’Art Moderne

 

L’art en lutte : De la cause Palestinienne à « l’apocalypse arabe », 1967 – 1988

 

Aux solidarités pro-algériennes succèdent les solidarités pro-palestiniennes. Dans la continuité de Mai 68, Paris devient un vivier important des réseaux antifascistes qui prônent l’émancipation des peuples opprimés. Le Salon de la jeune peinture à Paris, est alors dominé par les questions politiques et les luttes anti-impérialistes internationales.

À La fin des années 1970, les artistes s’emparent des thèmes des conditions de vie en banlieue, des violences policières et des crimes racistes. L’exposition se termine par le sujet de l’immigration arabe en France traité par les musées parisiens (années 1980).

 

 

Vue de l’exposition Présences Arabes @ MAM-Paris Musées @ Nicolas Borel

 

 

Au cours de l’exposition se dessine le rôle central de Paris comme un lieu de formation, d’accueil et d’exposition pour les artistes arabes, jouant un rôle essentiel dans le développement de nouvelles modernités cosmopolites.

 

 

Visuel de couverture : Baya, Femme en robe orange et cheval bleu, vers 1947, LaM – Lille Métropole Musée d’art moderne, d’Art contemporain et d’Art brut, Villeneuve d’Ascq. Donation de L’Aracine en 1999 © Othmane Mahieddine – « Présences arabes » © Musée d’Art Moderne

Musée d’Art Moderne de Paris

  • Adresse : 11 avenue du Président Wilson
  • Code postal : 75016
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 53 67 40 00
  • Site Internet : www.mam.paris.fr