Au musée Jacquemart-André, l’exposition « Chefs d’oeuvre de la Galerie Borghèse » fait l’évènement. Alors que la Villa Borghèse à Rome clôt temporairement les portes de sa galerie de peintures, le musée parisien en profite pour rouvrir grand les siennes. Les 40 tableaux des maîtres italiens sont à voir jusqu’au 5 janvier 2025.
/// Emma Boutier
Un hommage à l’histoire de la galerie Borghèse
Si chaque salle dispose de son œuvre « phare » – La Dame à la licorne de Raphaël ou la Sibylle du Dominiquin – la richesse de l’accrochage est telle que ces incontournables se fondent presque dans la masse.
L’exposition se focalise avant tout sur l’histoire de l’institution, déroulée au fil des acquisitions de son fondateur, Scipion Borghèse. Neveu du pape Paul V, il usa de méthodes parfois peu conventionnelles et d’une intuition artistique aiguisée pour constituer ce qui se révéla l’une des plus riches collections artistiques européennes.
Soucieux de restituer le contexte d’origine des œuvres, le scénographe Hubert le Gall a utilisé les papiers peints pour recréer le décor de la Villa : c’est ainsi que le Tondo de La Madone à l’Enfant de Botticelli trône au milieu de statues antiques. Ironie du sort, ce décor évoque aussi la vente plus ou moins contrainte du prince Camille Borghèse à Napoléon Ier d’une grande partie de sa collection de sculptures, rappelant l’histoire de la rivalité artistique entre Rome et Paris.
Circulations et dialogues
Déambulant entre les XVI et XVIIe siècles, le spectateur prend acte d’une histoire de l’art tissée de plusieurs fils.
Placée sous la houlette du Garçon à la corbeille de fruits, la première salle circonscrit le rayonnement du Caravage. Les œuvres qui accompagnent cette célèbre toile témoignent de la diffusion de ses innovations, dans la péninsule italienne et par-delà ses frontières. Avec la mise en regard de Gerrit van Honthorst, représentant des caravagesques d’Utrecht, et de Lionello Spada, le spectateur prend la mesure de l’importance du maître lombard.
Les Borghèse, mécènes stratèges
L’exposition rappelle que l’art est aussi le reflet d’un contexte politique. Le Cinquecento étant marqué par la remise en cause de l’autorité du Vatican, le mécénat constitue un instrument de pouvoir essentiel pour les familles papales, désireuses de réaffirmer leur légitimité dans le contexte de la Contre-Réforme catholique.
L’art sacré représentait ainsi une part importante des acquisitions du cardinal-neveu. Accrochée face au spectateur, La Vierge à l’enfant de Lorenzo Lotto impose son aura par l’impressionnante lumière émanant des couleurs froides qui se détachent sur le fond noir.
Des Vénus plus ou moins pudiques
La dernière salle témoigne des évolutions du nu dans la peinture des XVI et XVIIe siècles, qui tend à excéder les bornes du sujet mythologique. C’est donc au milieu des déesses et reines de Grèce antique que l’on trouve l’insolente Fornarina de Raphaël. Ce dernier détourne le geste conventionnel de la « Vénus pudique », en l’associant à la transparence audacieuse du tissu qui couvre sans cacher et au regard frontal de la courtisane qui se plaît à être épiée.
Cette dernière salle, qui vaut comme une transposition de la « Salle des Vénus » romaine, sert une fin en apothéose, grâce à la Vénus bandant les yeux de l’Amour du Titien ou encore à Léda et le cygne de De Vinci.
Avec sa première exposition de 2024, le Musée Jacquemart-André construit un parcours historique fidèle à la grande institution romaine, à travers lequel le visiteur prend plaisir à rencontrer des jalons essentiels de l’histoire de la peinture. Une chose est certaine, on en prend plein les yeux.
Musée Jacquemart-André
- Adresse : 158 boulevard Haussmann
- Code postal : 75008
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 45 62 11 59
- Site Internet : www.musee-jacquemart-andre.com