À Yvetot, la Galerie Duchamp présente une exposition de lithographies réalisées par David Lynch, recréant une capsule de l’univers étrange et captivant du cinéaste en pleine Normandie.
Une exposition à découvrir jusqu’au 21 septembre 2025.
///Astrid Vialaron
On connaît – et on adore – son cinéma : des rideaux rouges qui dissimulent tant de secrets inavouables, des rêves fiévreux peuplés de personnages obsédants, le tout campé dans une Amérique mystifiée, profonde, sombre et violente. David Lynch a créé, à travers ses œuvres, un univers unique, immédiatement reconnaissable. Une esthétique singulière que l’on retrouve ici, figée dans ses lithographies.
Artiste protéiforme, Lynch entre dans le monde de l’art par la peinture, étudiant à l’Académie des Beaux-Arts de Pennsylvanie. L’exposition retrace ses débuts avec son tout premier court-métrage, Six Figures Getting Sick (1966), une œuvre en stop-motion où l’on voit sa peinture littéralement prendre vie et évoluer à l’écran. Deux autres films de l’artiste accompagnent la cinquantaine de lithographies présentées.
Au sous-sol, on découvre Idem Paris (2013), un court-métrage documentaire qui explore les techniques de lithographie de l’atelier parisien du même nom, là où Lynch a réalisé ses premières œuvres dans ce médium dès 2007.
À l’étage, baigné dans la lumière de néons et une ambiance sonore proprement lynchéenne, on retrouve The Alphabet (1969), court-métrage angoissant de quatre minutes, sous la garde énigmatique d’un hibou suspendu. Et l’on se rappelle alors : “The owls are not what they seem” (Twin Peaks. Saison 2).
Les mots habitent les lithographies, comme des poèmes visuels, qui font appel à ce qui est enfoui, en nous, dans nos langages. Tel qu’il le fait dans son cinéma, Lynch explore dans ces lithographies les possibles du récit : Où place-t-on les limites du réel ? Peut-on le dépasser, le détruire, le détourner, à travers l’outil si particulier qu’est l’art ?
Le terme de “surréalisme” surgit naturellement, un peu facile, sans doute, peut-être même suranné. Il plane sur l’exposition comme une étiquette évidente, mais réductrice. Car l’univers de Lynch ne se laisse pas enfermer si facilement. Il s’alimente d’un spectre d’influences bien plus large : la chair hurlante de Francis Bacon, les figures éclatées de Picasso, les visions hantées de Munch… Autant de présences souterraines qui traversent ses œuvres, bien au-delà de toute filiation définie.
L’accrochage et la scénographie fonctionnent parfaitement, comme une succession de scènes entrelacées. Chaque lithographie semble faire écho à la suivante, construisant des fragments d’histoires : nuits sombres, pensées troublées, amour, douleur. Un théâtre mental et visuel, où l’on se perd avec délice.