A Chamonix Mont-Blanc, le festival Artocène fait dialoguer glaciers millénaires et art contemporain

A Chamonix Mont-Blanc, le festival Artocène fait dialoguer glaciers millénaires et art contemporain

/// Alina Roches-Trofimova

 

Ce sont les glaciers qui ont inspiré la seconde édition du festival Artocène — « Glaciers et fluidité des temps », événement annuel mêlant l’architecture et l’art contemporain. Située au pied du Mont-Blanc, la ville de Chamonix est un haut lieu du tourisme en montagne. Cette seconde édition du festival Artocène pense l’habitat alpin et décline la thématique des glaciers autour d’un riche programme incluant entre autres des oeuvres plastiques, le travail de la designer culinaire Perrine Bettin et des conférences du glaciologue Luc Moreau. C’est là une manière d’apprendre à connaître ces géants de glace que de nombreux touristes viennent chaque année admirer à Chamonix, mais également de penser leur vulnérabilité actuelle et les conséquences qu’aura sur eux le dérèglement climatique.

 

Aurore Bagarry, Glacier d’Argentiere – © Aurore Bagarry 
 
Vue de la ville de Chamonix – Artocène, Forêt intérieure – © Julien Gremaud 

 

Le festival Artocène investi pleinement la ville de Chamonix en proposant plusieurs lieux d’exposition. Il amène ainsi l’art à pénétrer au coeur des espaces publics, faisant preuve d’une véritable volonté de démocratisation culturelle. Riche d’artistes français comme internationaux, le festival a pour ambition d’ancrer l’art contemporain au sein du paysage alpin et de faire de Chamonix un nouveau lieu incontournable de la création contemporaine. En vous promenant à Chamonix, vous découvrez le Refuge Tonneau de l’architecte et designer française Charlotte Perriand ou encore la Capsule Miroir conçue par le designer Dillon Garris et abritant à l’occasion du festival les photographies d’Aurore Bagarry ainsi qu’un fascinant travail sculptural de cryogénisation de végétaux réalisé par l’artiste Julian Charrière. A la médiathèque municipale est présentée l’exposition Refuge de pointe qui retrace l’histoire de l’habitat alpin et de l’adaptation des Hommes aux conditions de vie de la montagne. Enfin, le Hangar de la Compagnie du Mont-Blanc se transforme à l’occasion du festival en un espace d’exposition dédié à la création contemporaine où se côtoient sculptures, peintures, photographies, installation et art vidéo. 

 

Charlotte Perriand, Refuge Tonneau, 1938 – © Carine Bel 

 

Avec un nom forgé à partir de la notion d’anthropocène — notre ère géologique marquée par l’activité humaine, le festival Artocène parle de la condition de l’Homme moderne via l’art contemporain. L’exposition principale au Hangar est la clé de voute de cette réflexion. Elle se déroule en trois parties :  « solidité mouvante » qui se réfère aux glaciers tels que nous les connaissons, c’est-à-dire principalement sous forme solide ; « transformation et liquéfaction » qui évoque la fusion, la liquéfaction, l’évaporation, le changement d’état de la matière ; « écoulement, disparition, apparition » qui s’intéresse à la fluidité de notre temps qui se retrouve notamment dans de nouveaux modes de représentation, dans des sculptures « fondues », et dans un rapport à la disparition et à l’immatériel. Parmi les magnifiques oeuvres présentées au Hangar, nous trouvons Curved water, une installation visuelle et sonore de l’artiste Tomoko Sauvage qui nous invite à observer la fonte de glace en temps réel. Autre oeuvre marquante de l’exposition : une photographie de l’artiste Julian Charrière — Towards No Earthly Pole — qui montre la montagne recouverte de ce qui à première vue semble être un linceul mais qui, en réalité, est une couverture géante de protection servant à maintenir les glaciers au frais et les préserver ainsi de la fonte. A Artocène, certaines oeuvres comme l’installation de Tomoko Sauvage, ou encore America bajo agua d’Enrique Ramirez qui présente le continent américain noyé sous l’eau, mettent en lumière la fonte des glaciers. D’autres, quant à elles, insistent sur l’adaptation des Hommes aux contraintes naturelles comme c’est le cas du Refuge Tonneau de Charlotte Perriand ; ou encore sur la nécessaire préservation des glaciers et plus largement de la nature comme le fait Julian Charrière aussi bien à travers Towards No Earthly Pole qu’à travers la cryogénie des plantes. Le festival Artocène établit une véritable relation avec le patrimoine naturel local : il est nécessaire d’apprendre à regarder les glaciers, de connaître leur histoire et de voir leur vulnérabilité afin de travailler à les préserver au mieux.

Le festival s’impose comme une proposition forte, esthétiquement et intellectuellement juste, qui vient habiter un cadre exceptionnel. Nous attendons avec impatience la troisième édition !

 

Julian Charriere, Towards No Earthly Pole, Whillans, 2019 © Julian Charriere

 

Vue d’exposition – Festival Artocène 2022 – © Alexandra Rio – Les formes associées 

 

Anouk Kruithof, It’s getting hot in here, 2021 – © Anouk Kruithof 

 

Visuel de couverture : Vue d’exposition – Festival Artocène 2022 – © Alexandra Rio – Les formes associées