Alberto Giacometti : « Un arbre comme une femme, une pierre comme une tête »

Alberto Giacometti :  « Un arbre comme une femme, une pierre comme une tête »

/// Stéphane Gautier

 

Si Alberto Giacometti est bien connu pour son travail sur la figure humaine, le paysage tient une place importante dans son œuvre. Il s’impose notamment pendant sa jeunesse passée dans la vallée des Grisons, et dans les années 1950 alors qu’il y revient chaque année en villégiature. Les paysages de Giacometti se composent principalement des montagnes, des forêts et des lacs de sa région natale, qu’il a mainte fois parcourue et où il trouve les conditions pour régénérer son art. Le paysage constitue dans son œuvre plus qu’un simple motif, c’est un véritable espace pour penser son rapport à la représentation qui influence son travail sur la figure humaine.

 

Ainsi en 1950 il crée deux œuvres majeures : La Forêt et La Clairière, dans lesquelles il met en place un système d’équivalences entre figure humaine et nature, une écriture plastique dans laquelle les femmes debout rappellent des arbres et les têtes des pierres. Dans de nombreux portraits, les bustes massifs ressemblent à la montagne rocailleuse de son enfance, et les figures debout, dans leur élan vers le ciel, s’apparentent quant à elles aux sapins de la vallée des Grisons. 

 

Alberto Giacometti, Buste d’Homme, 1956, Bronze, 35,1 x 30,8 x 9,9 cm, Fondation Giacometti, © Succession Alberto Giacometti / ADAGP, Paris 2022

 

De nombreux auteurs, tels Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Jacques Dupin ou encore le critique d’art anglais David Sylvester ont décrit cette analogie de la surface sculptée avec le rocher, réminiscences des montagnes qui entourent les villages de Stampa et de Maloja, où l’artiste revient chaque année jusqu’à la fin de sa vie, dans un émerveillement toujours renouvelé.

 

L’exposition Alberto Giacometti. Un arbre comme une femme, une pierre comme une tête propose un regard singulier sur l’œuvre de Giacometti et explore le rapport que l’artiste a toujours entretenu avec le paysage.

 

Ainsi dès sa prime jeunesse durant les vacances d’été, la famille Giacometti prend ses quartiers dans une petite station au bord du lac de Sils borné par des sommets majestueux comme le Piz de la Margna ou le Piz Longhin. Le scintillement de la lumière et les reflets du paysage sur l’eau fascinent le jeune Alberto qui très tôt réalisera des aquarelles et peintures (visibles pour la première fois à l’Institut Giacometti) dans un style postimpressionniste faisant des lacs de montagnes un motif privilégié.

 

Alberto Giacometti, Arbres et montagne, c. 1920, Gouache et crayon graphite sur papier, 28,8 x 22,9 cm, Fondation Giacometti, © Succession Alberto Giacometti / ADAGP, Paris 2022

 

La grande minéralité de ses paysages aimés nous invite à regarder son œuvre dans son rapport direct avec le paysage des montagnes des Alpes, comme a pu le faire Michel Leiris dans Pierre pour un Alberto Giacometti (1991), ou David Sylvester dans Looking at Giacometti, qui décrit la manière dont ses sculptures « rappellent constamment de singulières formations rocheuses assez typiques qui, curieusement, n’apparaissent nulle part ailleurs dans cette vallée, mais qui sont présentes  dans trois pics de granit au sud de Stampa dominant la vue arrière de la maison des Giacometti ». Cette récurrence de l’image de la montagne ou de son équivalent métonymique le rocher, pour décrire l’artiste et son œuvre, alors même que sa sculpture s’attache à représenter la figure humaine, engage à l’exploration d’une dialectique du corps-paysage.

 

Vue de l’exposition Une femme comme un arbre, une pierre comme une tête à la Fondation Giacometti
 

Visuel de couverture :  Vue de l’exposition Une arbre comme une femme, une pierre comme une tête, Institut Giacometti, Paris, 2022

 

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