Anoblir le gribouillage

Anoblir le gribouillage

Le musée des Beaux-Arts de Paris présente du 8 février au 30 avril 2023 une nouvelle exposition intitulée Gribouillage / Scarabocchio. De Léonard de Vinci à Cy Twombly. Conçue par l’Académie de France à Rome et dévoilée dans la capitale italienne de mars à mai 2022, elle réunit plus de cent-cinquante œuvres originales de la Renaissance à l’époque contemporaine, mettant ainsi en lumière un des aspects les plus négligés de l’histoire de l’art.

/// Lolita Fragneau

 

L’événement révèle comment le geste graphique, qu’il soit expérimental ou transgressif, a de tout temps ponctué l’histoire de la création artistique en abordant différents croquis, griffonnages jusqu’aux dessins plus élaborés faisant œuvre, en bref les multiples facettes de ce qu’on nomme péjorativement « gribouillage ». Le terme est ici réhaussé, redonnant la noblesse qu’il suggère : gribouiller, c’est aussi un art, qu’on porte le nom d’un des maîtres de la première modernité – Léonard de Vinci, Raphaël, Michel-Ange, Bernin… – ou celui d’artistes modernes et contemporains majeurs – Jean Dubuffet, Henri Michaux, Helen Levitt, Cy Twombly, Jean-Michel Basquiat, Luigi Pericle…

Giovanni Francesco Caroto, Portrait d’enfant montrant un dessin, 1515-1520, Huile sur toile, Vérone, Museo di Castelvecchio © Archivio Fotografico dei Musei Civici, Verona

L’exposition se divise en huit parties sur les deux étages, dans cet écrin si singulier que sont les Beaux-Arts de Paris. Refusant tout parcours chronologique, elle délivre les différentes œuvres sans différencier dessins académiques des compositions contemporaines, mêlant pêle-mêle l’exceptionnel Enfant montrant un dessin de Giovanni Francesco Caroto, des graffiti antiques provenant du Colisée à Rome, deux cahiers de classe d’Eugène Delacroix conservés à l’Institut national d’histoire de l’art à Paris, de rares dessins de Léonard de Vinci, Raphaël, Michel-Ange, Rembrandt, des photographies de Brassaï et d’Helen Levitt, et c’est sans doute l’une des raisons qui en fait son originalité et sa particularité. 

Puisque la question se pose naturellement dans tous les esprits, une place intéressante est portée à la différence entre gribouillage enfantin et croquis d’artistes : qu’est-ce qui fait d’un dessin son caractère artistique ? Est-ce qu’après avoir porté aux nues les griffonnages des artistes, cela insinue que les dessins d’enfants ont autant leur place entre les murs d’un musée ? L’exposition rappelle à juste titre la fameuse citation de Picasso, à qui « il a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme [les enfants] » à la suite de son apprentissage « trop académique » de l’art. Apprendre à retourner vers quelque chose de plus naïf, de plus automatique, c’est bien la valeur recherchée par les représentants de l’art Brut, dont l’art est richement mis en valeur pour l’occasion.

Rembrandt, Griffonnements avec la tête de Rembrandt, Portrait, 1632, Gravure sur cuivre © Beaux-Arts de Paris

Elle apporte aussi un regard contemporain sur la question du tatouage à travers les photographies réalisées en 1950 de Robert Doisneau pour illustrer Les Tatouages du Milieu de Robert Giraud et Jacques Delarue, mais aussi plus légèrement sur le graffiti ou la calligraphie. Quels sont les frontières, après tout, entre un de ses arts, et ce que Roland Barthes appelait « un brouillis, presque une salissure », c’est-à-dire, moins subtilement : le gribouillage ?  

Cy Twombly, Delian Ode n°19, août 1961, Craie grasse, crayon, crayon de couleur et stylo à bille sur papier, 33,3 x 35,3 cm, Collection privée, Paris / Dépôt à la, Collection Lambert, Avignon © Cy Twombly Foundation

Beaux-Arts de Paris

  • Adresse : 14 rue Bonaparte
  • Code postal : 75006
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 47 03 50 00
  • Site Internet : www.ensba.fr
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Beaux-Arts de Paris

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