Comédienne et auteure, Anouk Grinberg est également peintre. Elle a fait l’objet en 2022 d’une monographie (Mon cœur, Ed. Actes Sud) et d’une rétrospective à la chapelle du Méjan (Arles). La galerie GNG présente cette année à Paris une quarantaine de pastels, encres, aquarelles et broderies, offrant un panorama complet sur cette œuvre habitée, qui cherche à donner forme à l’invisible.
/// Nora Djabbari
“Le propre des acteurs, c’est qu’ils ont un moi qui n’est pas si compact que ça. Quand tu insuffles de la vie à un personnage qui n’est que des mots sur un papier, tu insuffles quelque chose de toi qui parfois t’échappe complètement, et des choses des autres, comme si tu étais une trompette et que le monde jouait à travers toi.” Dans un entretien accordé au journal Le Monde en 2021, Anouk Grinberg décrivait les spécificités de son travail d’actrice. Jouer un rôle et se laisser porter par lui, en fusionnant avec l’univers pour en devenir sa voix… Cette conception du jeu d’acteur n’est pas sans rappeler sa production de plasticienne, animée par la même démarche : celle de se laisser porter par ce qui relève d’une exploration de l’indicible et du jaillissement intuitif de ses pensées. L’artiste travaille sans croquis préalables, donnant une grande importance à l’instinct brut, qui constitue la grande part de son inspiration.
Anouk Grinberg semble ainsi toujours à la recherche de l’essentiel, brodant, peignant ou griffonnant toujours librement, guidée par la puissance du flot mystérieux de sa conscience. Elle tisse dans ce parcours nourri par plusieurs supports de création des œuvres profondément méditatives, nous offrant l’apaisement d’un moment suspendu dans le temps.
L’éclectisme artistique de ce parcours est sans doute une conséquence directe de l’incessant désir d’Anouk Grinberg de mettre en forme les visions intelligibles qui la traversent. L’accrochage expose des tableaux au pastel, à l’huile ou à l’encre de chine. Ces travaux se répondent ou se contredisent, exprimant avec une voix dissonante toute la gamme des émotions humaines, de la joie à l’angoisse en passant par la tendresse. Chaque toile devient ainsi une exploration intime, capturant autant une énergie vitale que la complexité de l’expérience humaine.
Hypersensible, c’est les autres qu’elle tente de montrer, en évitant systématiquement de tomber dans un dogmatisme qui viendrait gâcher toute puissance évocatrice. “Mon travail, c’est d’accompagner le jaillissement en prenant garde à ce que ça ne soit pas trop bavard. Sans le vouloir, je vois ce qui est caché, mais c’est de la peinture, pas des confessions psychologiques. Et c’est toujours ludique, parce que la patouille, c’est un paradis de libertés”, dit-elle, se défendant de faire de son oeuvre un journal intime.
Ce tableau général multiple forme une drôle de musique qui nous entraîne dans un chahut intérieur, celui de l’artiste, toujours insaisissable, cachée derrière la symphonie du monde qu’elle entend représenter. Dans ses pastels, Anouk Grinberg nous enveloppe dans une douceur vaporeuse peuplée par le silence. D’autres de ses travaux, comme ses portraits de personnages anonymes dérangent par le caractère incisif de leurs regards, par leurs têtes chauves et leurs yeux fixes, par leurs cheveux hirsutes qui explosent dans un mouvement désordonné. Anouk Grinberg dessine des figures qui provoquent des sentiments contrastés, nous faisant osciller entre trouble et sympathie. Inspirées d’un visage, d’une émotion, d’un inconnu croisé dans le métro ou des souvenirs évanescents d’un rêve, ces créatures émergent de l’esprit de l’artiste de façon totalement pulsionnelle.
Anouk Grinberg donne forme à l’invisible. À la manière d’écrivains comme Nathalie Sarraute, elle retranscrit avec une richesse ambiguë toutes les pensées fugaces et les sentiments enfouis, nous offrant un voyage introspectif collectif vertigineux.
Galerie GNG
- Adresse : 3 rue Visconti
- Code postal : 75006
- Ville : Paris
- Pays : France
- Site Internet : https://galeriegng.com/