La Galerie Taménaga présente du 22 mars au 12 avril, une exposition regroupant des peintures de Bernard Buffet.
Plus personne ne présente le peintre Bernard Buffet, qui laisse derrière lui plus de 8 000 tableaux. Un œuvre considérable ayant marqué les esprits aussi bien en France qu’à l’étranger, jusqu’à atteindre l’Asie. L’exposition de la Galerie Tamanéga émane d’une volonté de célébrer le lien privilégié unissant Bernard Buffet à Monsieur Kiyoshi Taménaga, premier marchand d’art japonais à s’être intéressé au travail du peintre.Le coup de pinceau de Bernard Buffet est reconnaissable du premier coup d’œil. Un peintre que tout le monde connaît, que certains méprisent, et que d’autres admirent : ses tableaux ne laissent simplement pas indifférents. L’artiste est un observateur du doute humain, des angoisses qu’il transcrit sur ses toiles, traduisant par la même occasion ses propres incertitudes. Impossible alors d’observer ses toiles d’un simple œil contemplatif, les tableaux nous transpercent, nous troublent… nous dérangent ?C’est peut-être cette palette de couleur si sombre et profonde, qui est la source d’apparition de nos angoisses enfouies. Des tons sourds oscillent souvent entre le gris et le beige et nous plongent dans une mélancolie étrange, une inquiétude omniprésente, où les touches de rouge accentuent une sensation de mouvement, d’urgence. Des formes anguleuses, caractéristiques du peintre, façonnent les corps des sujets. Que ce soit pour représenter des humains, des animaux, des natures mortes ou des paysages, Bernard Buffet construit un réseau de lignes droites et sèches, apportant une texture et des jeux d’ombres, par des traits verticaux puis horizontaux faisant varier les tons de gris. La profondeur de champ est souvent inexistante, tous les plans sont ramenés au premier, dénués de perspective, et si spécifiques à l’univers de l’artiste. Une condition humaine représentée avec un arrière-goût amer de misère et de tristesse. Des figures dures, strictes, qui laissent entrevoir des traits marqués par la vie, des visages affaissés couronnés de cheveux plats, presque absents. Les tribulations d’une humanité représentée dans une détresse ambiante.Des peintures empreintes de mélancolie, qui contrastent avec des toiles aux tons plus clairs, des scènes plus attrayantes pour l’œil. Des natures mortes nous montrent une table où des bouteilles de vin prônent, fidèle à l’image de nos traditions françaises, des vues de Paris nous plongent dans l’ambiance mystérieuse des Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet. Une peinture colossale, de plus de sept mètres de long, nous propose une vue intimiste sur quatre femmes à la plage. Leurs jambes disproportionnellement grandes se plient, s’étalent sur un sable clair, et tel un voyeur, nous contemplons ce paysage interdit. Comme si nous étions, nous aussi, allongés sur la plage, et que nous levions les yeux pour découvrir ses formes féminines, cette perspective accentue une impression de violation d’une scène privée et personnelle. Un sentiment de gêne nous envahit, et pourtant, nous ne détournons pas le regard, il reste fixé, sur la toile. Ces peintures violentes, directes, donnant parfois même l’impression d’avoir été conçues dans la tourmente, à l’image du bad painting américain, connaissent nos faiblesses. Bernard Buffet se joue de nous, de nos craintes, mais aussi de ses peurs personnelles. Impossible de rester indifférents à ces toiles qui révèlent nos angoisses existentialistes. Que nous soyons gênés, troublés ou bien émerveillés, les œuvres de Bernard Buffet demeurent inscrites dans les mémoires.
Texte : Angèle ImbertCrédit Visuel : Bernard Buffet, L’oiseau rouge, 1959, Huile sur toile, 240 x 280 cm