Composer, décomposer, réinventer les langages : Rammellzee au Palais de Tokyo.

« Les humains… Au XIVe siècle, les moines ornaient et illustraient les manuscrits de lettres. Au XXIe et XXIIe siècle, les lettres de l’alphabet sont désormais armées pour des courses de lettres et des batailles galactiques. Cela a été rendu possible par une équation secrète connue sous le nom de RAMM: ELL: ZEE. »

 

Tout y passe : graffiti, musique, performance, textile. Rammellzee exploite ces médiums pour créer des formes d’expression alternatives. Il imagine des moyens de communication subversifs qui vont bien au-delà de notre alphabet classique. Ces langages artistiques, il les utilise de manière innovante, dans l’espoir de réinventer le champ de l’expression. Rammellzee appelle cette tentative d’armement des lettres le « Gothic Futurism » ou « Ikonoklast Panzerism ». En opérant cette subversion, il détruit la valeur d’enfermement et de contrôle inhérente à notre langage, afin d’en détourner les possibilités et de transformer notre rapport au monde. Dans la lignée du courant afro-futuriste, son concept puise ses inspirations dans la philologie, l’histoire médiévale et même l’astrophysique.

 

 

Au cœur de l’effervescence artistique new-yorkaise des années 1990, Rammellzee conte des récits futuristes comme nostalgiques, et dessine les portraits d’une multitude de personnages qui peuplent l’univers onirique et sombre qu’il crée. Ces créatures étranges prennent vie grâce à un travail audacieux du textile, avec des costumes monstrueux, fluorescents et majestueux. Ils deviennent ainsi des figures vivantes lors de ses performances, pendant lesquelles Rammellzee manipule sa voix à l’aide d’un vocoder, afin de rendre audibles ces entités mystiques, masquées et armées.

 

En tant que conteur, à travers ses morceaux, ses écrits et ses graffs, Rammellzee semble s’inscrire dans la lignée du projet de Jacques Derrida : déconstruire le langage, et dépasser les oppositions traditionnelles ( homme et femme, bien et mal, esprits et corps ). Tel que l’écrit le philosophe français : « Ce qu’on ne peut pas dire, il ne faut surtout pas le taire, mais l’écrire. » De la même manière, Rammellzee choisit d’inventer une nouvelle écriture, qu’il nous invite à découvrir dans cette face A de l’exposition, la face B étant également à explorer au CAPC de Bordeaux.