“D’autres viendront” – Un regard critique sur les pratiques curatoriales africaines

“D’autres viendront” – Un regard critique sur les pratiques curatoriales africaines

L’édition 2023 de la foire d’art contemporain Akaa (Also Known as Africa) a, comme tous les ans, donné naissance à un livre d’art. Cette année, l’ouvrage intitulé “D’autres viendront”, sous la direction artistique d’Armelle Dakouo, étudie la place des voix curatoriales sur la scène artistique contemporaine mondiale et la question de la représentation des artistes africains. Un discours critique affûté et une coédition signée par AKAA et JBE Books.

/// Nora Djabbari

 

Elle a sans doute changé le monde de l’art tout entier. L’année 1989 s’est inscrite de manière indélébile dans les annales de l’art contemporain. À cette date, le Centre Pompidou, déjà épicentre national des avant-gardes, orchestrait une rencontre artistique inédite. Un événement qui allait, pour reprendre les mots de l’auteur Cédric Vincent, tenter, pour la première fois, de “décentrer le grand récit de l’art”. Réunissant des créateurs issus des quatre coins du globe, l’exposition pionnière « Magiciens de la terre”, 3 mois durant, s’est attelée à mettre en valeur des artistes marginalisés, leur offrant une plateforme unique. Provoquant l’étonnement des critiques et du public, elle a dissipé une idée persistante planant comme un parfum : celle qui soutenait que l’Occident était le seul producteur légitime d’art contemporain.

 

Vue du livre

L’exposition “Magiciens de la terre” a constitué une trace d’un phénomène de mondialisation de l’art qui n’a fait que s’accroître au fil du temps, pour devenir le processus massif que nous connaissons aujourd’hui. L’élan initié par cet événement a incité les institutions artistiques à repenser leurs approches curatoriales et à explorer des collaborations transnationales. Des galeries à New York en passant par les musées à Tokyo, la diversité culturelle s’est progressivement infiltrée dans un paysage artistique mondial bien eurocentré. Aujourd’hui, l’art africian continue de se penser et de se développer à l’international. Nombreux sont ceux qui prennent la parole pour mettre des mots sur les enjeux spécifiques de la médiatisation de l’art africain. Le livre “D’autres viendront, voix curatoriales”, édité à l’occasion de la 8ème édition de la foire Akaa (Alsko Know as Africa) fait partie de ce champ d’étude.

 

Vue du livre

Conversations curatoriales 

 

L’ouvrage se compose d’une introduction, de quatre sections thématiques ainsi que d’une section consacrée au prix Ellipse, partenaire de l’Akaa. Les quatre sections thématiques entremêlent dans une véritable conversation les voix des auteurs et celles des artistes.

 

Vue du livre

Quels enjeux impliquent la récente mondialisation de l’art contemporain africain ? Comment penser la pratique curatoriale africaine, longtemps reléguée, dans ce vaste ensemble ? Quelle est son influence sur la carrière d’un artiste ? “D’autres viendront, voix curatoriales” aborde de façon complète ces questions tout en produisant un ensemble de textes critiques donnant la parole à des artistes engagés africains. Une double démarche donc, qui met totalement en pratique les réflexions critiques engagées par ces commissaires d’exposition. L’organisation des pages de ce livre permettront à tout lecteur d’avoir accès à une pensée limpide nourrie d’exemples. La qualité du propos vient en partie de la clarté de l’écriture d’Armelle Dakouo, d’Allison Glenn et de Jeanne Mercier, qui nous entraînent, tour à tour vers la découverte d’artistes aux horizons divers qui s’érigent acteurs d’une nouvelle voix.

 

Vue du livre

 

Le développement de nouveaux modèles africains 

 

Les commissaires d’exposition font l’acte de “curater”. Hors, ce verbe provient de la racine latine “curare”, qui signifie “prendre soin de”, comme le rappelle dans l’ouvrage Armelle Dakouo. En produisant des discours critiques et en participant à leur médiatisation, les curateurs deviennent les acteurs d’un changement de perception. Il s’agit de l’un des points majeurs développés dans l’ouvrage. “Ce nouveau regard sur l’Histoire nous bouleverse et nous conforte dans la nécessité de déconstruire un imaginaire et des stéréotypes qui persistent sur le continent africain et dans ses relations au monde” explique Armelle Dakouo.

 

Vue du livre

 

D’April Bey à Cosmo Whyte, tous les artistes présentés dans cet ouvrage s’attachent à inclure des éléments issus de traditions ancestrales, de leur patrimoine et de la mémoire collective qu’ils choisissent d’incarner. Tous ont une ambition commune : questionner les canons de beauté imposés et mettre en avant de nouveaux récits à leur image. Des récits plus représentatifs de toutes les communautés. La section thématique consacrée au portrait met notamment en valeur les photographies du maître sénégalais Adama Sylla, qui s’est attaché à documenter son époque. “Parce que les photographies d’aujourd’hui seront dans vingt ou trente ans rentrées dans l’Histoire. Les photographies de ma collection sont une partie de l’Histoire. C’est leur utilité : elles restituent l’Histoire, elles permettent d’écrire l’Histoire. Même longtemps après” : c’est ainsi que le photographe né en 1934 désignait sa propre collection, déjà conscient de l’importance du médium de l’image.

 

Vue du livre

Les propos de l’ouvrage se distinguent par leur profonde actualité mais aussi leur caractère nécessaire. Le titre : “D’autres viendront” constitue une certitude qui a la beauté d’une promesse : celle que l’art africain continuera à s’affirmer en majesté.

 

INFORMATIONS PRATIQUES : 

176 pages
20 × 26,5 cm
Français
Éditeur : Akaa – JBE Books
Auteurs : Armelle Dakouo, Allison Glenn et Jeanne Mercier
PRIX : 35.00 €

POUR SE PROCURER L’OUVRAGE :

JBE BOOKS
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