La Maison Européenne de la Photographie célèbre un grand nom du photojournalisme, Marie-Laure de Decker, à travers une rétrospective qui révèle une sensibilité unique.
À découvrir jusqu’au 28 septembre 2025.
///Astrid Vialaron
À la Maison Européenne de la Photographie, l’exposition consacrée à Marie-Laure de Decker éclaire une œuvre marquée par un savant mélange d’engagement et de tendresse. Figure majeure de l’agence Gamma, cette photographe insaisissable a traversé les révolutions et les conflits sans jamais se définir comme « photographe de guerre ». À contre-courant du sensationnalisme, elle a préféré capter la dignité de celles et ceux pris dans la tourmente.
De Paris — épicentre du photojournalisme des années 70 — au Tchad, en passant par le Yémen, le Vietnam ou la Jordanie, elle a documenté les soubresauts de l’histoire contemporaine avec un regard d’une rare empathie. Si elle a côtoyé les champs de bataille, elle s’est imposée une règle : ne jamais montrer le sang. Ce qui l’intéresse, ce sont les visages : les yeux des enfants palestiniens dans les camps de réfugiés, emplis d’inquiétude, les regards des femmes, des combattants, des mères yéménites.
Son travail au Tchad, auprès des Toubous, témoigne d’une solidarité sans équivoque avec les résistances locales contre le néocolonialisme. Dans le massif du Tibesti, théâtre de luttes oubliées, ses portraits de combattants du FROLINAT forment une série puissante, où l’expression formelle sert une subjectivité assumée. Ailleurs, elle couvre les manifestations — en France, au Chili, en Afrique du Sud — avec la même attention à la brutalité du pouvoir et à l’universalité des révoltes.
De Decker est aussi une photographe des travailleuses et travailleurs, elle dirige son objectif vers le visage de celles et ceux qui s’épuisent, aux champs, dans les usines, les supermarchés et les marchés.
Son approche s’élargit enfin aux enjeux environnementaux, comme en témoignent ses images des Wodaabés, peuple nomade sahélien dont elle documente les rituels avec une fascination respectueuse.
Enfin, ses portraits, qu’ils représentent des philosophes, écrivaines, un président ou un inconnu, ils dépeignent avec la même justesse ces instants — l’ici-et-maintenant — où tout est contenu dans une image.