Du 31 mars au 21 avril, la A2Z Art gallery présente les peintures et sculptures de l’artiste chinois Ma Desheng, un événement à marquer d’une pierre blanche…
Pierre par pierre, Ma Desheng nous ensevelit dans son univers. Lui, qui a participé autrefois au premier mouvement d’avant garde en Chine aux côtés de Ai Weiwei, pour lutter contre le régime communiste. Lui qui a quitté son pays pour la liberté. Lui, qui un jour, est frappé d’une tétraplégie. Lui, qui aujourd’hui est à la fois peintre, sculpteur, poète et performeur.
Un pas dans la galerie A2Z, et voilà que se suspend le temps. Au milieu du vide, immobiles, les sculptures de bronze monumentales de Ma Dasheng prennent place, dans une dignité ancestrale. Corps de pierres amoncelées, dans un équilibre précaire, qui laissent pénétrer le souffle de l’air. La surface polie et brillante du bronze se pare de l’irrégularité creusée et rugueuse de la pierre. De cet informe ciselé émerge des volumes, des ombres, lumières et courbes qui évoquent les Nanas de Niki de Saint Phalle, pâlies par la pierre ou des dolmens anthropomorphes teintés de sensualité.
Sur les murs, le dessin au feutre acrylique sculpte les aspérités de la roche, en noir et vides, par des traits vifs et vire-révoltés. Ma Dasheng met la pierre dans tous ses états. Pourtant la matière brute n’est jamais là. Le matériau brille par son absence physique, présent seulement à notre pensée impalpable. L’artiste, imprégné de la pensée taoïste, recrée spontanément le produit d’un déterminisme, façon d’introduire la liberté humaine dans le cycle de la nature, ou vice versa. Ainsi, cette mimesis philosophique élève t-elle la roche terrestre dans les hauteurs spirituelles.
A l’image du corps de l’artiste, ces pierres à l’assise fragile, se meuvent d’une puissante énergie, si bien que nous pouvons les voir danser au loin sur la musique du silence. Nous voilà apaisés face à l’instabilité confiante de ces monticules, prêts à tomber mais solides comme des rocs. Si la chute est possible, alors la vie aussi : l’exposition s’anime et amoncelle l’âme du monde, accueillant le Yin et le Yang, le plein de la matière et le vide de l’air.
La sculpture, à fleur de peau, est aussi témoin des blessures du temps, scarifiée de lignes acérées. Mais elle arbore cependant fièrement ces heurts, qui la singularisent. Et bien que la pierre appelle la chair, par ses courbes suggestives, elle touche néanmoins l’immortalité du bout des doigts. Car dans sa matière figée, elle incorpore sans engloutir, notre énergie qu’elle multiplie et redistribue, s’élevant là ou les œuvres d’art n’ont plus besoin d’être visibles pour être.
Texte : Elodie Réquillart
Crédit visuel : Sans titre, Ma Desheng, 2018, Sculpture en bronze