Gilles Aillaud : éco-artiste avant l’heure

Gilles Aillaud : éco-artiste avant l’heure

Jusqu’au 26 février, le Centre Pompidou consacre une première rétrospective à Gilles Aillaud, grand virtuose du mouvement de la Figuration narrative. L’exposition rassemble ses peintures animalières inspirées des zoos ainsi que quelques paysages marins. Grâce à une expressivité bouleversante, l’artiste disparu en 2005 a su tisser une réflexion écologique profonde.

/// Nora Djabbari

Pourquoi peindre exclusivement des animaux ? “Parce que je les aime” répondait simplement Gilles Aillaud. Alors toute sa vie il a immortalisé leur diversité et leur beauté, avec mystère et sensibilité. Au cours des années 50, il peint des oiseaux et des paysages marins. Il s’isole pendant de longues années, travaille son observation, voyage. Gilles Aillaud est une sorte d’impressionniste. Ses peintures savent tout autant capturer la captivité des animaux des zoos que la majesté rayonnante de la faune africaine. Le Centre Pompidou rend hommage à cette figure éminente à travers une exposition complètement dépouillée. Ici peu de textes critiques ne viennent entraver notre visite, si ce n’est une courte introduction présentant la vie de Gilles Aillaud, mort en 2005. Son parcours est résumé en quelques grandes dates. Sont évoquées ses études de philosophie, son passage au Salon de la jeune peinture, où il se liera avec des peintres issus de la Figuration narrative, mais aussi son engagement en faveur de mai 68 et sa critique de la guerre du Vietnam.

Vue de l’exposition

Gilles Aillaud, un animal politique

La série de toiles présentées dans l’exposition “Animal politique” est imprégnée de cet esprit contestataire. Une œuvre se distingue néanmoins de l’ensemble de ce vaste bestiaire figuratif. Il s’agit de “Vietnam. La Bataille du riz” (1968), la seule où figurent des humains. Inspiré d’une photographie, le tableau représente un sous-officier américain escorté par une combattante vietnamienne. L’artiste reproduit fidèlement la scène de la photographie, mais en ajoutant un fond nouveau, constitué d’une rizière paisible. Les contrastes entre ce que représente cet officier étranger, venu troubler la quiétude des lieux et la différence de taille des deux personnages, contribue à offrir une vision incisive de la guerre du Vietnam.

Vue de l’exposition

Comprendre l’Homme par l’animal

Traditionnellement reléguée, la peinture des animaux prend chez Gilles Aillaud une tournure politique, profondément philosophique. Le peintre sait donner à voir ce qui échappe à l’humain. L’exposition montre des scènes de vie quotidienne en apparence innocentes et vides de sens. Mais ce n’est pas tant la représentation des animaux que notre rapport à la nature qui l’intéresse. Pour mieux nous inviter à observer, le parcours prend des allures de labyrinthe. Si un sens de visite est suggéré, l’enfreindre n’altère pas l’expérience d’exposition. Le public est amené à déambuler, à se poser au milieu d’espaces clos. Le parcours est jonché de cellules fournies d’un banc à l’intérieur desquelles les visiteurs peuvent s’asseoir, observant frontalement les tableaux. Cette scénographie permet au public de prendre le temps de voir et d’expérimenter l’isolement artificiel des animaux.

Vue de l’exposition

La maîtrise des couleurs froides des tableaux de Gilles Aillaud confèrent à ses œuvres une atmosphère clinique et oppressante. Obsédé par la blancheur, il peint le destin tragique d’une faune mise en boîte. Les murs de l’exposition, tous blancs, renforcent le caractère hygiénique de ses créations. En peignant des animaux objectivés, privés de leur habitat naturel, Gilles Aillaud instaure en nous un sentiment de malaise croissant. En représentant un rhinocéros rond fixant d’un air neurasthénique les murs géométriques qui l’enferment, Gilles Aillaud exprime les maux de tout un siècle : celui du postmodernisme qui isole l’humain du reste de la nature dont il s’est détaché. La nature, telle qu’elle est conçue dans ses tableaux, se réduit à un arbre flanqué derrière un grillage, à une plante verte décorative. Des éléments posés ça et là comme pour narguer le vivant, le ridiculiser. L’exposition montre également des tableaux inspirés par ses voyages au Kenya, qui se caractérisent par leur profusion de couleurs. Ici les animaux se fondent dans les espaces naturels qu’ils habitent grâce à une représentation épurée. Comme le dit Didier Ottinger, commissaire d’exposition et directeur adjoint du Musée national d’art moderne : “l’humilité” technique de Gilles Aillaud “donne forme au songe d’une réconciliation, loin de tout projet de maîtrise et de possession du monde”. Une exposition qui heurte autant qu’elle intrigue. 

Centre Georges Pompidou

  • Adresse : Place Georges Pompidou
  • Code postal : 75004
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 44 78 12 33
  • Site Internet : www.centrepompidou.fr
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