Guy Brunet

Guy Brunet

La galerie GNG présente du 27 février au 7 avril 2018 une exposition sur le travail du peintre français Guy Brunet.

 « Mes modèles appartiennent à différents siècles. Il peut s’agir d’amis, de personnages de publicité, de politiques, de dessins de l’histoire de l’art… Je retire la figure de son contexte et je la débarrasse de tout ce qui pourrait la ‘dater’ : boucles d’oreilles, lunettes, cravates… Alors, tous les repères sont brouillés. » — Guy Brunet

Difficile en effet d’attribuer une époque à ces femmes et hommes se tenant face à nous. N’affrontant notre regard qu’à travers des masques troués, qui semblent même être déchirés d’un poster acheté dans un musée. Ici, la Judith de Klimt est déchiquetée, la Marie-Anne d’Autriche de Velasquez est déchirée : ces fragments de papiers se superposent aux mines déconfites d’anonymes posant sobrement dans un décor dépouillé, austère, gris. Une sensation de déjà vu surgit : des visages familiers se confondent dans nos esprits, peut-être reconnaîtrez-vous un oncle éloigné, un acteur ou bien vous-même derrière ces portraits surprenants. 

Tel un photographe, Guy Brunet capture des émotions et les fige dans les fibres de la toile. La composition des portraits fait écho à une séance de shootings : un fond gris en arrière-plan et des postures de face, comme si chacun de ses modèles s’était adonné au même exercice de pose. Placés dans ce cadre neutre, habillés de simples costumes noir et blanc qui ne laissent paraître ni classes sociales, ni identités. Un touché léché, empreint d’un réalisme patent, souligne les traits plus ou moins marqués par le temps, de ces individus capturés dans un moment. Guy Brunet se livre à un exercice académique dans sa peinture usant de l’illusoire pour composer des portraits qui s’apparentent à des photographies. Cette peinture réaliste rappelle l’illusion des masques posés sur le visage de certains de nos sujets, qui n’appartiennent qu’à la même planéité de la peinture. En contraste, une profondeur dans la texture du fond gris, marquée par les jeux d’ombres créés par ces corps stoïques au premier plan, immobiles et contraints de garder la pose. 

Laissant apercevoir un seul œil, à la manière de L’Orphelinat de Juan Antonio Bayona, des trous ont été découpés dans les masques pour laisser transparaître un regard, reflet de l’âme des personnages. Mais alors pourquoi se cacher derrière ces œuvres d’un autre temps ? L’histoire de l’art se reflète en chacun de nous, par les tableaux qui ont marqués notre vie. Inconsciemment, un regard, une émotion ont parfois été empruntés aux personnages des peintures qui nous ont bouleversées. Peut-être aussi pour se réfugier derrière nos connaissances, et avoir ainsi la certitude d’être accepté dans une société qui juge et détruit. Guy Brunet retranscrit ici l’allégorie de cette empreinte que l’art a laissée dans la construction de nos individualités. 

Mais lorsque les masques tombent, la dure réalité apparaît et laisse entrevoir les faiblesses de notre corps éphémère. Ces œuvres, d’une échelle presque humaine, nous plongent dans des intimités où des femmes, cette fois démasquées, semblent exténuées. Mathilde reprend le fond gris, perçu dans les autres tableaux, mais sa position endormie sur le sol diffère des portraits de face. Le temps semble s’être arrêté, le corps, comme une machine, a suspendu son activité pour tomber à terre. Une sensation d’apaisement semble se libérer de son âme qui peut enfin se reposer. À la manière de Sophie Calle, Guy Brunet retranscrit le sommeil de cette femme pour mieux saisir son être. Fatiguée par une société qui contraint les femmes à une lutte constante contre une misogynie ambiante, l’enveloppe du personnage féminin a finalement flanché. Une atmosphère mystérieuse se dégage de la lumière artificielle et zénithale qui éclaire le sujet. Comme pour dévoiler la difficulté d’être une femme, l’artiste éclaire violemment, tel un spot, cette enveloppe charnelle fatiguée. Les traits réalistes du pinceau de l’artiste, jusqu’aux veines de la main et au mouvement des cheveux sur le sol, nous placent en voyeurs, malgré nous, observant cette scène intime. 

Un univers qui ne peut s’appréhender que par la contemplation, nous laissant la liberté de le comprendre avec nos références personnelles et histoires individuelles.

Texte : Angèle Imbert

Crédit Visuel : Guy Brunet, Masque, huile sur toile, 116 x 81 cm