Le papillon a toujours symbolisé l’âme, le souffle, l’immortalité, la renaissance et la résurrection.
Beauté à l’état pur, créature du Divin Joaillier, au-dessus de périssables êtres humains, le papillon appartient au monde idéal et non pas à la matérialité. Il s’apparente à une ébauche du projet d’un monde brossé par le Créateur, plus réussi que son incarnation matérielle, tout en restant emblématique ou reflétant, tel un miroir semi-transparent, un monde différent, séparé de notre dure réalité. Il est aérien et dépourvu de poids au point de n’exister que dans nos pensées à nous – qui incarnons à la fois le Divin Joaillier et l’artiste émerveillé – que dans le monde fait de substance grossière… Là-bas, sur les rives, dansent les nymphes et un astre inconnu entame son ascension dans le ciel… Tout en soulignant l’impossibilité de la reconstitution de la palette de couleurs d’un insecte, Pierre-Marie Brisson, dans son nouveau projet « Tout le Ciel est nécessaire », reconstitue une forme éphéméroptère.
Insecte fragile, même mort, il porte sur ses ailes tout un monde inconnu et symbolise la vie. Il est à la fois immobile et aspire à s’envoler. Né pour vivre pendant un bref instant, même après sa mort il volète au-dessus du temps. De toute évidence, le fait de naitre et de mourir le même jour le place en dehors des contraintes temporelles. Il est presque libre des entraves de la chair et dépourvu de voix, comme l’idée éternelle que se faisait Platon de la Beauté. Brisson, en faisant de l’image du papillon un objet de la méditation philosophique, semble lui insuffler la vie. Malgré un gouffre infranchissable entre le Créateur et l’artiste, l’éphémère ressuscité transforme ce dernier en architecte d’une vie nouvelle. L’artiste, en sa qualité de porteur conscient d’un langage figuratif, a pour devoir de lutter contre le temps, générateur de non-sens et de néant, car l’art est son seul espoir.
L’image d’un condamné à mort aux ailes légères cache et génère une succession de nouveaux emblèmes et symboles. L’eau qui se reflète sur la toile de son aile, captée par l’œil d’un observateur qui la contemple, n’est pas seulement une trace du « rapprochement de loin » d’habitants du ciel et de ceux des eaux, si cher aux poètes baroques. Les poisson est un symbole ancien du Christ, l’abréviation de « Jésus Christ, Fils de Dieu et Sauveur », formule grecque consacrée dont les premières lettres forment Ίχθύς signifiant « poisson ».
Lorsque Brisson confesse son attachement à la mer, on constate qu’il a toujours su que la source de cet attachement ne se trouvait pas à proximité. Elle se situe en dehors de la trame biographique, de tout support génétique, quelque part dans le cervelet, parmi d’autres souvenirs de nos ancêtres chordés, parmi lesquels le poisson qui est à l’origine de notre civilisation. Dans la succession évolutive de créatures vivantes ce poisson est moins un ancêtre antédiluvien parmi d’autres que Celui dont la Bonne Nouvelle a jeté les fondations de la culture d’une ère nouvelle. Cela signifie que papillon porte sur ses ailes l’empreinte d’une autre réalité ainsi que celle du Créateur lui-même, à travers le poisson comme symbole.
A l’instar des ouvrages médiévaux parlant d’animaux – des bestiaires latins, le « Physiologos » russe et grec – la série de papillons de Pierre Marie Brisson que je baptiserais « Imagos » prouve l’existence du Créateur à travers la beauté et la perfection de ses créatures, avec une seule différence de taille : la créature aux ailes légères témoigne non pas du côté positif du monde mais d’une plaisanterie du Joaillier car l’image d’un papillon symbolisant paradoxalement une vie qui tente et qui attire, transforme l’art surnaturel du Joaillier Divin en un néant matérialisé et inconcevable. En aucun cas Brisson n’ampute pas l’image du papillon de connotations remontant à l’Antiquité, liées à la vie éternelle et à l’existence post mortem de l’âme.
Contributrice : Leyla Jafarova, historienne de l’art
Visuel principal : ©Pierre Marie BRISSON-La ronde des papillons-120x120cm-technique mixte sur toile-2021-Photo Pierre Schwartz
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