Du 6 au 18 mars, la galerie l’Oeil du Huit présente Tired Ghosts, une exposition de peintures et dessins de Jean Philippe Brunaud, qui nous raconte des histoires de fantômes.
Regarder une des toiles de Jean Philippe Brunaud ne laisse inéluctablement pas indifférent. En effet, par une palette de couleurs vives et saturées juxtaposant le rose au rouge, puis le violet au jaune, l’artiste captive le regard dans un univers psychédélique, aux tréfonds de la conscience. Pour prendre part à ce voyage sinueux, dans cette forêt mystérieuse, quatre personnages, au premier plan de la toile Leçon, érigent un pont entre l’espace de la galerie et l’univers halluciné de la peinture. A l’image de ces créatures de dos, le spectateur est peu à peu absorbé par les aurores boréales violacées du paysage dans un monde de fantômes et de créatures inquiétantes. A l’instar du personnage du premier plan, dont on ne sait si il est de dos, ou de face, la peinture de Jean Philippe Brunaud désoriente le regard et retourne la vision.
Néanmoins, tous les regards convergent vers un être dont les contours sont nets, et la présence imposante. Mais les yeux ne savent où s’amarrer, étant donné la cavité béante qui sert de visage à cette créature innommable. Assise, elle cache dans son dos un revolver en pointant du doigt la foule comme pour la menacer ou la mettre en garde. En écoutant son gourou, cette masse de formes, dont les visages sont à peine esquissés se dissout peu à peu dans l’horizon. Ainsi, l’ensemble de la toile semble dissimuler des secrets inavouables dans ses couleurs diluées et dégoulinantes. Entre fascination et méfiance, le spectateur se trouve plongé dans une atmosphère d’inquiétante étrangeté, aux couleurs ravissantes. Jean Philippe Brunaud réveille l’imaginaire et les peurs de l’enfant enfoui en nous, donnant à voir la galaxie des monstres et fantômes du placard ou de dessous du lit, devenus adultes, et déterminés à exister avec ou sans notre consentement.
A l’inverse, dans la série Family, les dessins au charbon de Jean Philippe Brunaud sont composés de lignes noires et épurées, loin des ombres et des agitations de la couleur. La ligne cerne et enferme l’absence dans un corps. Nul visage, ces êtres sont scellés. Pourtant, de ce vide s’échappe un magma rocheux en expansion qui semble signaler une conscience qui déborde. Il semble que dans cette grotte impénétrable se dérobe et s’enveloppe l’imaginaire fantomatique de l’artiste, qui s’épanouit dans sa peinture.
Ainsi, à travers une multiplicité de formes, l’artiste nous donne à voir une radiographie de l’absence qui offre une matérialité à la transparence. Cet univers extatique, bien qu’imaginaire, apparaît comme un miroir tendu à notre humanité refoulée, qui irradie le monde de notre absence, nous invitant à sortir de nous même et à reprendre des couleurs.
Texte : Elodie Réquillart
Crédit Visuel : Jean Philippe Brunaud, Leçon, acrylique et peinture à l’huile, 111,76cm x 160,02cm