/// Nora Djabbari
Il est né un jour de 14 février. Toute sa vie, il s’est efforcé de montrer la violence ordinaire du monde avec une crudité courageuse. Stanley Greene s’est éteint à Paris en 2017 mais ses clichés gardent tous en eux la trace d’une humanité profonde. Issu d’une famille d’artistes, Stanley Greene a d’abord été peintre avant de se faire connaître mondialement grâce à ses reportages de guerre. De l’Afghanistan au Soudan en passant par la Syrie et la Tchétchénie, sa destinée d’homme nomade l’engage en tant que photojournaliste auprès des plus grands journaux. Très vite, sa renommée explose et il devient lauréat de nombreux prix comme celui de l’International Planète Albert Kahn ou du World Press Photo Awards.
Militant de Black Panther, éternel rebelle, Stanley Greene se passionne pour les avants gardes, les déclassés, les révoltés. Il capture la scène punk des années 70, côtoie la mode des années 80. Toute sa vie, il sillonne le monde de son objectif pour y cueillir le désespoir, la tendresse parfois. Toujours porte-parole des histoires personnelles et collectives complexes, il savait nous montrer la beauté dans l’adversité par des photographies sans compromis ni complaisance esthétique.
On l’a souvent qualifié de photographe de guerre. Mais le cantonner à ce rôle honorifique nous ferait peut-être oublier toute la portée poétique de son travail. Celui qui décrivait au magazine Polka en 2017 lors d’une interview sa pratique comme “un langage visuel” et un “échange” a insufflé dans ses œuvres tout au long de sa vie une charge émotionnelle forte. La nouvelle exposition de la Galerie de Buci remet au goût du jour cet aspect saillant de son œuvre et donne à voir un autre versant de sa vie, bien loin des bruits et des fureurs. À l’occasion de la Saint Valentin, la Galerie présente une série de 15 tirages polaroids issus de la collection personnelle de Anna Shpakova, pris entre avril et septembre 2001, accompagnés par des lettres d’amour du photographe. Véritable journal intime, cette reconstitution nostalgique nous permet de découvrir son talentueux travail autour de la lumière et du cadrage.
On pense aux tableaux des grands maîtres du clair-obscur, on est comme ensorcelés devant ces moments d’éternité pris sur le vif, témoins d’une intensité passée. Un charme paisible se dégage des expressions figées de cette femme étendue, seule et absorbée dans ses chimères. Ces polaroids témoignent d’une douceur qu’on lui connaît moins.
Anna Shpakova, également commissaire de cette exposition explique : “L’idée de l’exposition m’est venue au moment même de la connaissance de sa mort et le chagrin qu’elle a provoqué m’a donné l’envie de partager avec le monde entier quelque chose de spécial, de sacramental, que vous ne pouvez pas retenir”.
“Stanley Greene était un maître du monde éminent, où il m’a fait entrer avec lui. En tant que passionné chercheur de la vérité, un vrai romantique et poète, il m’a montré la beauté au-delà de la pensée. Ces lettres et polaroïds sont devenus une preuve d’une romance à une époque où nous étions inconscients de la chute du monde”, continue-t-elle. Une exposition emphatique et tout en douceur, et surtout, le portrait d’une relation touchante, à l’image d’une vie de passion.
Galerie De Buci
- Adresse : 73 rue de Seine
- Code postal : 75006
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 88 48 06 18
- Site Internet : http://buci.gallery/