Le musée du verre François Décorchemont ouvre ses portes !

Située à une heure de la capitale, à mi-chemin entre Paris et la mer, la ville de Conches-en-Ouche dans le département de l’Eure en Normandie, vient de réouvrir les portes du Musée du verre François Décorchemont.

/// Tania Sanabria, commissaire et historienne de la photographie

Deux années de travaux ont été nécessaires pour offrir aux collections d’un des seuls musées du verre en France (avec le Musverre de Sars-Poteries) la visibilité qu’elles méritent.

Les travaux, soutenus par l’état et la région de Normandie, ont été réalisés par l’agence d’architectes parisienne Dubois & Associés. La muséographie a été réalisée par l’entreprise italienne Harmoge.

Ces efforts ont eu pour résultat un musée magnifique dans lequel le visiteur retrace l’histoire de la création du verre et du vitrail en France depuis le XIXème siècle, jusqu’à la création contemporaine.

À l’origine, ce musée avait été créé en 1996 pour conserver les vitraux du maître verrier de Conches, François Décorchemont (1870-1971). Aujourd’hui, il conserve plus de 500 pièces en verre, 200 œuvres graphiques et une bibliothèque de plus de 2500 ouvrages.

Les collections sont visibles sur un parcours chronologique de deux étages. La muséographie du lieu est divisée en 8 salles dédiées chacune à une période et un style, plus une salle supplémentaire au rez-de-chaussée pour accueillir une exposition temporaire.

Amphore Métaphore

Le parcours du nouveau musée ouvre justement avec cette salle dédiée à l’exposition temporaire Amphore Métaphore du couple Suisse-Américain : Monica Guggisberg (née en 1955 à Berne) et de Philip Baldwin (né en 1947 à New York). Le visiteur découvre ainsi une création contemporaine pleine de couleurs, où la virtuosité dans la technique et la symbolique qu’accompagnent l’amphore dans l’histoire de l’humanité sont au rendez-vous.

Les deux artistes ont commencé à travailler la thématique de cette exposition à l’automne 2021, « Eric Louet, conservateur du musée, nous a invité à faire cette exposition pour l’ouverture du musée. On aime beaucoup l’aspect carte blanche parce qu’on peut vraiment travailler un thème et les formes soufflées comme un outil d’expression » déclare Monica Guggisberg.

Neuf installations dialoguent entre elles dans cet espace. 

Une installation murale en forme de bateau, intitulée Amphore Métaphore, composée des récipients de formes variées inspirées des différentes civilisations, évoque les épaves sous-marines découvertes par les archéologues ainsi que les navires qui les ont transportés à travers le monde.

Face à cette pièce murale, nous trouvons une installation aquatique constituée avec les restes des pièces en verre qui ont éclaté lors de la réalisation des autres oeuvres par le couple, une réalisation qui employait la technique du battuto (une façon de graver le verre qui permet de tailler la surface du verre à froid pour relever les différentes couches de couleur en dessous et de créer une texture sur la surface).

« Nous avons appris cette technique à Venise et nous avons développé notre propre manière de travailler les couches de couleur et les couches de transparence ». Les pièces présentées dans l’exposition peuvent avoir jusqu’à huit couches de verre.

« Le travail et la maitrise nécessaire pour parvenir à une pièce aboutie signifient beaucoup d’autres <pièces> qui s’éclatent dans le processus de création », déclare Philip Baldwin. C’est précisément ce que les artistes veulent montrer avec cette installation aquatique qui dialogue directement avec Amphore Métaphore.

Au centre de la salle, plusieurs amphores de grande taille qui évoquent les problématiques socio-politiques actuelles. « Ce sont quatre amphores avec la couleur des drapeaux des quatre puissances mondiales qui décideront le futur du monde pour les vingt prochaines années : La Chine, La Russie, Les États-Unis et l’Ukraine », déclare Monica Guggisberg. Un ensemble critique face aux évènements actuels.

Un nouveau musée

Les collections permanentes du musée ont été réorganisées en 8 nouvelles salles dans lesquelles le visiteur découvre l’histoire du verre de la fin du XIXème siècle jusqu’à nos jours.

La muséographie de ces huit salles retrace d’une belle façon l’histoire stylistique du verre et ses diverses techniques.

Nous commençons par une première salle dédiée à l’Art Nouveau avec ses motifs naturalistes et orientalistes. Nous accédons ensuite à un deuxième espace dédié aux créations de l’art déco où l’on peut découvrir des très belles pièces réalisées en série par des verreries de l’époque comme Daum, Lalique ou Schneider, mais aussi découvrir le travail artisanal des maîtres verriers comme Marinot, Décorchemont, ou Colotte.

Les salles suivantes surprendront le visiteur avec des œuvres riches en couleurs et formes géométriques de la manufacture française Schneider, des vitraux sertis de ciment que François Décorchement réalise à partir des années 1930 pour finir avec les créations de la deuxième moitié du XXème siècle où les ornementations que l’on a vu au début du siècle disparaissent peu à peu pour privilégier les formes épurées et transparentes et aboutissent avec l’emploi du verre dans la sculpture contemporaine.

Du musée de Conches, nous sortons émerveillés par la beauté et la diversité des collections qui sont mises en valeur de manière exquise grâce à la nouvelle muséographie.